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07/03/2021

L’ÉGLISE DU JÉSUS. TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS. (4e partie)

Voir la 1ère_partie, la 2e_Partie et la 3e_partie (en cliquant sur les liens).

 

 

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Le Tréport (vers 1870)

 

 

L’ÉGLISE DU JÉSUS.

translation dans la chapelle des martyrs.

(4e partie)

 

J’en viens immédiatement aux guérisons qu’on peut croire miraculeuses. L’action des amis de Dieu, comme celle de Dieu lui-même, est essentiellement miséricordieuse et salutaire, et leurs prodiges ne sont que des bien faits. On y pourrait remarquer que tantôt un martyr était invoqué seul, et tantôt on les invoquait tous ensemble ; sans doute on avait connu l’un ou l’autre en particulier, ou bien on n’en connaissait aucun. Des guérisons se sont opérées également dans les circonstances et dans les contrées les plus diverses. Une fois au ciel, d’où ils dominent ce monde, les saints ont toute la terre dans leur sphère d’action, et leur influence peut être partout également présente. Ainsi nous avons constaté des cures subites et complètes obtenues sous nos yeux à Paris même ; d’autres en province, à Laval, à Limoges, à Segré, à Soissons, à Abbeville, à Villers-Cotterêts, à Charleville, à Carpentras, à Saint-Denis en France, à Clermont, à Strasbourg, à Nantes, etc. ; d’autres hors de France, en Hollande, en Angleterre, en Autriche, en Belgique, dans l’Archipel, en Amérique, en Chine, etc. Parmi toutes ces relations, nous en choisirons seulement deux, dont nous allons donner les procès-verbaux comme échantillon de toutes les autres.

Relation de la guérison de Mlle Pauline Letraistre du Tréport.

Mlle Pauline Letraistre, demeurant au Tréport, âgée de quarante-huit ans, a toujours eu une très-mauvaise santé. Dès l’âge de huit ans, elle était atteinte de la maladie de la moëlle épinière.

Depuis vingt ans, elle était constamment malade, souvent alitée, ne pouvant absolument pas marcher, obligée de subir les traitements les plus douloureux et les plus énergiques.

Il y a une quinzaine d’années environ, elle a été guérie spontanément, et l’on peut le dire miraculeusement de vomissements continuels, qui duraient depuis dix-huit mois, sans qu’aucun remède ait pu les calmer.

Dans ces neuf dernières années surtout, son état avait empiré au point que, dans ce laps de temps, elle n’avait pu que très-rarement faire quelques pas dans sa chambre ; avec l’aide de deux personnes et le soutien de ses deux béquilles, elle se traînait l’espace d’une minute, puis retombait anéantie ; alors elle se remettait au lit pour être quatre, six mois et plus sans pouvoir recommencer cet essai.

Elle avait aussi une maladie de cœur fort grave. Plusieurs fois elle a eu des accès de fièvre pernicieuse. D’autres crises avec des douleurs intolérables et reconnues très-dangereuses, se multipliaient depuis plusieurs années.

Il y a environ trois mois, elle voulut absolument essayer de marcher avec ses béquilles et l’aide de deux personnes, mais cela lui fut impossible, elle retomba sans mouvement. Désolée, malgré l’énergie de son caractère, qui l’a soutenue jusqu’ici, elle crut qu’elle ne pourrait plus jamais marcher : elle pressa de questions à ce sujet un médecin de Paris très-connu, M. Casalès, alors au Tréport, qui la soignait depuis plusieurs années, de concert avec un autre médecin. M. Casalės fut obligé de répondre : « Hélas ! je ne puis vous dire que vous marcherez !!! »

Mlle Pauline comprit une fois de plus qu’aucun moyen ne lui réussirait. Entendant parler de guérisons miraculeuses obtenues l’intercession du R. P. Olivaint, un des martyrs de la Commune, elle résolut de lui faire une neuvaine. « Mais, dit-elle, je n’y mettais pas d’empressement, j’en avais tant fait ! » Elle la commença le 26 septembre 1871. « J’engageai, dit-elle, un grand nombre de personnes à s’unir à moi, et je me trouvai bientôt tellement portée à faire cette neuvaine, que je priais le jour et la nuit sans me fatiguer. » Les premiers jours il y eut du mieux, mais le huitième, les souffrances augmentèrent ; sa confiance n’en fut pourtant pas ébranlée, et elle voulut le neuvième jour de la neuvaine, aller entendre la messe à l’église, qui est située sur une falaise fort élevée. On eut grand’peine à la descendre de voiture, et malgré son courage, elle fut contrainte de se laisser tomber sur les premières chaises du bas de l’église, ne pouvant absolument plus se soutenir. Laissons-la raconter elle-même sa guérison. « M. le curé avait eu la bonté de promettre qu’il m’apporterait le Bon Dieu au bas de l’église. La messe commence ; mais elle était à peine à moitié, qu’une pensée s’empare de mon esprit : Je me dis : je ne veux pas que le Bon Dieu se dérange, je veux aller le trouver. Je prends mes béquilles, on arrive pour m’aider, je monte vers la chapelle de la sainte Vierge, où l’on disait la messe ; au moment de la consécration, je me mets à genoux ; je monte avec mes béquilles pour recevoir la sainte communion, et après mon action de grâces, je suis descendue au bas de l’église sans peine et presque sans me soutenir sur mes béquilles ; je sentais que j’étais guérie, et si je n’avais eu peur de tomber devant tout le monde et dans l’église, je les aurais mises sous mon bras pour retourner à la voiture. Arrivée à la maison, j’ai jeté mes béquilles à terre, et j’ai marché, et depuis lors, je marche. » Elle sortit sur le quai, et chacun de s’extasier, de s’écrier : « C’est merveilleux !! »

Mlle Pauline Letraistre qui avait désiré obtenir par cette neuvaine de pouvoir marcher pour aller à l’église, visiter les malades et vaquer à son commerce, consentait volontiers à toujours souffrir, si telle était la volonté de Dieu. Dieu l’avait exaucée ; car elle marchait, et ses souffrances étaient grandement diminuées sans avoir complétement cessé. On commença aussitôt une seconde neuvaine en action de grâces et pour demander le rétablissement complet de sa santé.

(13 octobre.) Le dernier jour de cette neuvaine, Mlle Pauline alla à pied à la messe, en revint, fit plusieurs visites pieuses, ses souffrances cessèrent, son sommeil devint très-bon. Cet heureux état continue, Mlle Pauline vaque à toutes ses occupations ; chacun s’étonne de sa résurrection et crie au miracle, on vient des alentours pour s’assurer de ce fait merveilleux.

 

Lettre du médecin.

« Paris, le 4 novembre 1871.

« Madame..., vous me faites l’honneur de m’écrire pour me demander quelle était la nature de la maladie de Mlle Pauline, quels en étaient les progrès et quel est l’état actuel.

« Je vais m’efforcer, Madame, de satisfaire à vos questions.

« L’opinion des médecins, qui, à diverses périodes de la maladie ont été appelés auprès de Mlle Pauline Letraistre, n’a pas toujours été la même, et la nature de l’affection n’a pas été déterminée dès le principe. Elle avait le caractère d’une paralysie des membres inférieurs, et dans l’origine on a craint une maladie organique de la moëlle épinière ; plus tard, cette idée s’est modifiée, et les divers confrères qui l’ont vue dans ces dernières années, se sont généralement accordés à admettre une affection que l’on désigne sous le nom d’atonie locomotrice. Cette maladie avait présenté des phases diverses et subi des variations remarquables. Sous l’influence de certaines médications, elle paraissait quelquefois s’améliorer au point de faire pressentir une guérison. La malade, qui gisait étendue sur un lit, sans pouvoir faire d’autre mouvement que ceux de lever difficilement les jambes et se retourner avec peine, arrivait à pouvoir se lever et se servir de béquilles pour parcourir ses appartements ; mais bientôt survenait une affection intercurrente qui forçait la malade à reprendre son lit, et l’on perdait en quelques semaines le bénéfice de plusieurs mois de traitements.

« L’an dernier l’affection s’était compliquée d’une faiblesse qui me donna les plus sérieuses inquiétudes : toutefois une médication stimulante remonta l’organisme, lui rendit son énergie et son impressionnabilité, mais sans apporter de changement ni d’amélioration à la forme paralytique de la maladie.

« Aujourd’hui Mlle Pauline se lève, marche, se promène dans les rues, et bien que la santé générale laisse à désirer, ne paraît plus se sentir de la maladie qui l’a tenue plusieurs années étendue sur un lit.

« Tel est, Madame, le sommaire très-abrégé des faits aussi exacts que possible que vous me demandez de vous raconter. La guérison aussi rapide qu’inespérée de Mlle Pauline est, très-certainement, un fait des plus remarquables, quelle que soit l’interprétation qu’on veuille lui donner, et sur ce point, je vous demande la permission de réserver absolument mon appréciation ; mais je n’hésite pas à reconnaître que la guérison s’est produite au moment où aucune médication n’était pratiquée.

« Veuillez, Madame, agréer, etc. »

Nous avons entre les mains une autre relation de la guérison de Mlle Letraistre, écrite par M. le curé du Tréport ; pour éviter des redites, nous nous contenterons d’en publier l’extrait suivant :

« Il y a plus d’un mois, apprenant que M. le docteur Leconte, médecin ordinaire de Mlle Letraistre, se trouvait chez son ancienne cliente ; comme je désirais me rencontrer avec ce Monsieur, qui jouit d’une excellente réputation dans ce canton, où il a été nommé membre du conseil général, je me rendis chez Mlle Letraistre et demandai au médecin s’il attribuait la guérison de sa malade à l’efficacité de ses remèdes ? Il me répondit, en présence de sa femme et de Mlle Letraistre, qu’une semblable pensée ne lui pouvait venir... Qu’il avait toujours cru à l’efficacité de la prière et que cette guérison ne pouvait que le confirmer de plus en plus dans sa croyance.

« On le voit, je dis avec une grande simplicité ce que je sais, ce que je connais touchant la guérison extraordinaire de Mlle Letraistre. Et je l’affirme comme curé du Tréport où j’exerce le saint ministère depuis plus de cinq ans.

« Le Tréport, ce 26 février 1872.

« MIGUIGNON ».

(à suivre)

Treport Coquille offerte Famille Letraistre 1879.jpg

Eglise du Tréport: bénitier offert par la Famille Letraistre en 1879

 

26/02/2021

L’ÉGLISE DU JÉSUS. TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS. (3e partie)

Voir la 1ère_partie et la 2e_Partie.

L’ÉGLISE DU JÉSUS.

TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS.

(3e partie)

 

Et d’abord, il y a dans les âmes chrétiennes, en fait d’appréciation, un certain tact que donne la foi, excellent criterium de certitude, que l’Église elle-même prend soin de constater et ne manque guère de ratifier. Quel fut donc, à la première nouvelle des sanglantes morts du mois de mai, au loin comme au près, l’effet instantané produit dans l’opinion catholique ? Après un premier cri, on n’entendit plus qu’une acclamation : à l’indignation contre les bourreaux avait succédé la vénération pour les victimes. On ne raisonnait même pas, on voyait et on sentait. Dès le premier jour, tout le monde était convaincu de la vérité du martyre, et on crut pouvoir invoquer ceux qu’on croyait déjà devoir honorer. Ce sentiment universel se manifesta aussitôt par des signes multiples.

Des services solennels furent célébrés dans la métropole de Notre-Dame de Paris et dans un grand nombre de cathédrales de France. C’était un hommage que la religion et la patrie tenaient à rendre aux innocentes et nobles victimes. Mais l’impression publique se formulait d’après cet adage des anciens temps : « C’est faire injure à un martyr que de prier pour un martyr. »

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Des médailles commémoratives furent frappées ; des images de tout genre furent photographiées ou gravées. On voulait surtout les portraits des martyrs : on avait ceux des PP. Ducoudray, de Bengy et Caubert, mais on eut des peines infinies à recomposer de mémoire la figure et la physionomie des PP. Olivaint et Clerc, et après mille essais infructueux, en désespoir de cause, on dût s’arrêter à un dernier type qui n’est encore qu’un pis-aller. — Une souscription spontanée fut ouverte parmi les anciens élèves de l’école Sainte-Geneviève et du collège de Vaugirard, pour élever au P. Ducoudray et au P. Olivaint un monument de leur impérissable reconnaissance. Quant aux Actes de la captivité et de la mort, en moins de deux ans, neuf éditions de format et de prix différents, furent publiées, et environ 40,000 exemplaires se sont écoulés.

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Mais allons jusqu’aux glorieux tombeaux. Là, j’en conviens, il est besoin de surveiller, pour contenir la dévotion privée dans les limites posées par l’Église. On interdit absolument, on écarte aussitôt tout ce qui pourrait sembler un signe du culte religieux : point de lampes ni de cierges ; pas d’ex-voto, ni de plaques et d’inscriptions. On permet seulement des fleurs et des couronnes ; il y en a bien dans les cimetières. Mais la piété intelligente a imaginé de ne déposer sur les tombes des martyrs que des couronnes rouge et or, emblème de la céleste auréole. Les cinq dalles blanches en sont encadrées, tout le pavé à l’entour en est parsemé ; on en fait des guirlandes le long des murs, et souvent on doit enlever les anciennes pour faire place aux nouvelles.

Pour dire le vrai mot, la chapelle des martyrs est devenue le terme d’un pèlerinage où l’on afflue perpétuellement de tout Paris, de toute la France et de tous les pays du monde. À peine peut-on entrer dans l’église du Jésus sans trouver le petit autel privilégié entouré d’un cercle de suppliants de tout âge et de tout sexe. Beaucoup de prêtres étrangers veulent dire la messe près du tombeau des martyrs, beaucoup de fidèles veulent y communier. Pour répondre à tant d’empressement, il est devenu nécessaire d’établir sur cet autel, jusque-là inhabité, un tabernacle spécial, où l’on transporte chaque matin un Saint-Ciboire qu’on enlève ensuite à la fin des messes.

Le concours au musée des martyrs n’était guère moins continu. Comme la dévotion elle-même suggérait de petites indiscrétions, un de nos Frères devait accompagner les visiteurs. Force a donc été de restreindre les entrées à certains jours de la semaine pour n’être pas obligé de rester là en permanence.

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Un autre témoignage de la vénération universelle, même à distance, ce sont les lettres adressées à la rue de Sèvres de toutes parts, non-seulement de la province, mais encore des pays étrangers et des contrées les plus lointaines. Dépouiller toutes ces correspondances, les lire et y répondre, est devenu presque une fonction, si bien que le supérieur, à la longue, obéré par la tâche, s’est vu réduit à déléguer un de nos Pères pour être d’office secrétaire des martyrs. Du reste, avec mille variantes dans la forme, le fond est toujours de demander ou de remercier : on sollicite des prières, des messes, des neuvaines, ou bien on signale des grâces obtenues.

Je ne dois pas omettre la prodigieuse diffusion des reliques. Tout le monde en voulait, et il fallait contenter tout le monde. Mais grâce à la divisibilité de la matière, les vêtements des martyrs ont été réduits en parcelles infiniment petites et infiniment nombreuses. Avec le temps, le système de distribution s’est perfectionné : sur une petite image on a gravé une croix de couleur rouge ; vers le centre et aux quatre extrémités les cinq parcelles sont fixées à la colle. Vraiment, une croix, c’est la vraie place des martyrs. Il serait absolument impossible de constater maintenant le nombre approximatif de ces images données ou envoyées, non pas une à une, mais par centaines et par milliers. Pour être exact, il faut dire qu’on les a jetées à tous les vents du ciel.

Pour clore enfin cette série de faits, je n’en cite plus qu’un, qui les complète et les confirme, en y ajoutant déjà le sceau de l’autorité hiérarchique.

Le 26 mai 1872 était l’anniversaire du massacre de 1871, il était de toute convenance de le célébrer par un service funèbre. Mais la Providence elle-même changea les conditions de la cérémonie. La date désormais bénie se trouva tomber un dimanche et coïncider avec la fête majeure de la Sainte Trinité. À raison de cette circonstance, la couleur blanche devenait de nécessité liturgique, l’église d’ailleurs était d’avance splendidement décorée pour l’adoration solennelle du Saint-Sacrement. Tout était comble. Après la messe, M. l’abbé Bayle, vicaire général de Paris, témoin accrédité de la Conciergerie, de Mazas et de la Roquette, prononça l’oraison funèbre, qui devint presque un panégyrique. Voici ce qu’il a déposé lui-même à ce sujet : « Invité à prêcher l’oraison funèbre, mon discours a eu précisément pour but de montrer à une assemblée très-nombreuse que les cinq Pères avaient été persécutés et mis à mort en haine du nom de Jésus, qu’ils portaient avec tant de gloire. Cette opinion, je la trouve partagée par les hommes les plus éminents, puisque j’en ai parlé avec l’Archevêque de Paris actuel, devant son entourage, et que personne ne m’a fait la moindre observation sur cette opinion que j’avais avancée publiquement. »

Mais la proposition émise à Paris n’eût point été contredite même à Rome. Dans une audience privée, le 3 décembre 1872, le Souverain-Pontife a daigné me parler dans le même sens, et naguère encore un éditeur de Paris lui ayant fait hommage des Actes et des photographies de nos cinq martyrs, en retour Pie IX lui fait adresser une réponse où ils sont désignés expressément comme mis à mort tous les cinq en haine de la foi.

Mais enfin Dieu lui-même s’est-il prononcé ? En vérité, l’Église seule a grâce pour le savoir et pour nous l’apprendre, et quand elle nous l’aura une fois révélé, alors nous le croirons. Mais en attendant, sans témérité, ce semble, nous inclinons à le penser. Dieu ne s’est-il pas réservé, pour le besoin de la vérité et pour la cause de la vertu, la langue inimitable des prodiges ? Eh ! bien, à en juger par des faits nombreux et certains, déjà nous aurions entendu un écho de la voix divine. Nous avons sous la main tout un dossier de pièces probantes, des rapports originaux accompagnés d’attestations officielles. Mais leur place n’est pas précisément dans ce recueil : d’une part un récit circonstancié paraîtrait excessif ; de l’autre, une simple nomenclature serait insuffisante et fastidieuse. Quelques extraits bien courts suffiront donc à notre objet, et par ce que nous citerons on pourra facilement juger de ce que nous omettons.

Dans une première catégorie, je comprends des faveurs spirituelles ou temporelles de toute nature obtenues par l’intermédiaire de nos martyrs. Le détail en serait infini : ce sont le plus souvent des conversions inespérées, des réconciliations inattendues, des inspirations soudaines, d’heureuses solutions de malheureuses affaires, et presque toujours avec de singulières coïncidences qui laissent du moins entrevoir une action supérieure. Je citerai un seul de ces faits où l’intervention surnaturelle est bien accusée. La femme d’un riche banquier de Paris en fut l’objet, un de ses fils, ancien élève du P. Olivaint, en sera le narrateur.

« Mon révérend Père,

« Conformément au désir que vous m’en avez exprimé, voici par écrit mes souvenirs, confirmés par ceux de mon frère, de sa femme et de la mienne, au sujet de l’incident qui signala les derniers instants de ma pauvre mère.

« Le lundi 17 juin 1872, ma mère souffrait depuis deux jours d’une obstruction intestinale, maladie dont les médecins, sans nous en dissimuler la gravité, ne nous avaient pas encore laissé entrevoir l’issue fatale. Très vivement préoccupé néanmoins, je fus le matin, sur les dix heures, à la rue de Sèvres, où, parlant au frère portier, je lui demandai des reliques des Pères martyrs en même temps qu’une messe à l’autel de la chapelle où ils reposent. Il me donna un morceau d’étoffe, ayant appartenu aux vêtements du P. de Bengy et du P. Olivaint, les seuls que j’eusse connus.

Sur l’avis pressant du médecin, mon frère et moi nous revînmes à C., sur les deux heures. Nous trouvâmes mon père assez tranquille : ma mère venait de prendre une potion sur l’effet de laquelle les médecins comptaient en dernier ressort, et il nous témoigna son étonnement de nous voir de retour, ayant quitté les affaires de si bonne heure. Il nous dit que notre mère venait de lui dire : « Si ce soir, après la consultation, la médecine n’a pas produit l’effet qu’on en attend, je me confesserai à M. le curé de C. » (Elle avait accompli ses devoirs religieux quelques jours auparavant à l’occasion de la Pentecôte.)

« Je remis alors à ma belle-sœur les reliques des Pères en lui recommandant de les faire donner de suite à ma mère par sa femme de chambre, qui la gardait.

« La femme de chambre les lui remit en lui disant : « Madame, voici des reliques des Pères martyrs que M. Hubert a été chercher pour Madame à la rue de Sèvres. » — « Donnez-les moi, elles calmeront mes douleurs. » Au bout de quelques instants, elle dit à la femme de chambre, assise au pied de son lit : « Cécile, écartez-vous, voilà les Pères ! je les vois !... voici le P. Olivaint !... Il me dit : « Ma fille, confessez-vous !... Ma mère fit chercher mon père immédiatement et lui dit ce qui venait de se passer.

« Nous fîmes quérir M. le curé de C. : ma mère se confessa, reçut les sacrements et récita toutes les prières à haute voix avec la plus grande foi. Elle était dans la possession la plus pleine de toutes ses facultés : elle fit à chacun de nous ses dernières recommandations, fit venir ses petits-enfants et leur fit à tous les plus touchants adieux.

« Nous ne voulions croire qu’elle fut à la dernière extrémité et pour ne point la fatiguer, nous nous retirâmes ne laissant que mon père auprès d’elle.

« Il était quatre heures environ. Sur les cinq heures, elle me fit appeler pour un petit détail concernant sa maison. Je m’agenouillai près d’elle et lui dis : « Ma chère mère, tu as donc vu les Pères ? » — « Oui je les ai vus ! » — « Comment étaient-ils ? » — « Ils étaient là près de ma cheminée dans une auréole. Le bon P. Olivaint m’a dit : « Confessez-vous, ma fille, et puis ils ont disparu ! »

« Sur les huit heures les médecins revinrent, ma mère fit ses adieux à l’un d’eux, qui nous était dévoué depuis vingt-cinq ans. Quelques minutes après, l’agonie commençait, agonie bien douce et bien calme ; et à une heure du matin, elle expirait.

« Nous fûmes frappés de cette coïncidence remarquable, que si elle avait attendu jusqu’après la consultation pour se confesser, comme elle en avait d’abord témoigné l’intention, la maladie ne lui en eût pas laissé le temps, et en tout cas ne lui eut pas laissé la pleine possession de ses facultés pour accomplir ce suprême devoir.

« H. H. »

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(à_suivre)

20/02/2021

L’ÉGLISE DU JÉSUS. TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS. (2e partie)

Voir la 1ere partie ici

L’ÉGLISE DU JÉSUS.

translation dans la chapelle des martyrs.

(2e partie)

 

 

Ainsi, d’abord il n’a point tenu à nous, que les martyrs ne restassent ensevelis avec tous leurs frères dans les caveaux du Mont-Parnasse. Ils y avaient été déposés par notre fait, et c’est seulement plus tard, sous la pression de l’opinion publique, que nous vint la pensée, puis l’espérance d’obtenir une translation dans notre église de la rue de Sèvres. Les démarches à cet effet trainaient en longueur, quand le P. Gravoueille, recteur du collège de Vaugirard, s’adressant directement à M. Lambrecht, ministre de l’Intérieur, dont il avait élevé les fils, obtint immédiatement, sans autre formalité, toutes les permissions voulues.

On se mit donc à l’œuvre. À Paris où l’on a tout sous la main, dès qu’un plan est arrêté, l’exécution devient facile et rapide. D’abord la chapelle dédiée à nos saints martyrs du Japon parut être la vraie place pour leurs émules de Paris. Une excavation est aussitôt ouverte au milieu, en face de l’autel et creusée à la profondeur légale : on y dispose au fond, dans une maçonnerie artistement travaillée et parfaitement cimentée, pour les cinq cercueils, autant de niches horizontales rangées de front sur le même plan, et séparées les unes des autres par une mince cloison de briques. Il n’y aura plus qu’à faire glisser chaque cercueil dans sa place respective et à sceller l’ouverture.

Le pavé de la chapelle en marbre noir et blanc rappelle le deuil, mais au milieu de cet encadrement funèbre, sur de grandes dalles de marbre blanc, on lit les cinq noms avec leur inscription triomphale. Le P. de Buck, bollandiste de Bruxelles, avait envoyé ces épitaphes qui sentent le style des Catacombes :

DVM SVB ALTARI DEI PONVNTVR
REQVIESCVNT HOC LOCO OSSA
PETRI OLIVAINT PARISII
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
HVIC DOMVI PRAEFECTI
VIXIT ANNOS LV MENSES III DIES IV
PRO PIETATE MORTEM OPPETIIT
VII KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI

St_Ignace_Tombe_des_5_martyrs_de_la_Commune_Pierre_Olivaint.jpg

HOC LOCO DEPOSITA SVNT
OSSA ET RELIQVIAE
IOANNIS CAVBERT
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
NATUS PARISIIS XIII KAL. AVG. A. D. MDCCCXI
ODIO PIETATIS OCCISUS EST
VII KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI

St_Ignace_Tombe_des_5_martyrs_de_la_Commune_Jean_Caubert.jpg

HIC IACET IN PACE
ALEXIVS CLERC
DOMO PARISIIS
PRESBYTER SOCIETATIS IESV
NATVS ANNOS LI MENSES V DIES XIII
LIBENS FVSO SANGVINE FIDEM SIGNAVIT
IX KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI

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LOCVS LEONIS DVCOVDRAY
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
ET RECTORIS SCHOLAE GENOVEFIANAE
NATUS LAVALLII PRID. NON. MAIASA. D. MDCCCXXVII
VITAM SANCTAM SANCTIORE MORTE CORONAVIT
ODIO
 NOMINIS IMPIE TRVCIDATVS
IX KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI

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LOCVS SEPVLTVRAE
ANATOLI DE BENGY
ORTV BITVRIGIS
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
QUI QVAM MORTEM IN MILITVM CVRA
A PATRIAE HOSTIBVS NON METVIT
A RELIGIONIS HOSTIBUS FORTITER ACCEPIT
VII KAL. IVNII A. D. MDCCCLXXI
ANNOS NATVS XLVI MENSES VIII DIES VII.

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On put enfin procéder à l’opération dans la matinée du 24 juillet. Le dévoué docteur Colombel, assisté de quelques agents de la police et des pompes funèbres, voulut encore y présider la seconde fois comme la première ; mais au moins l’invention aujourd’hui était plus facile et la translation allait être glorieuse. L’authenticité et l’identité se trouvaient constatées et garanties par une inscription gravée sur chaque cercueil.

On avait voulu toutefois écarter l’encombrement et prévenir toute manifestation. On ferma donc la porte extérieure de l’église donnant sur la rue et tout devait se passer comme à huis-clos. On n’avait admis à l’intérieur avec nos Pères et Frères présents dans la maison, qu’un petit nombre d’intimes et les familles des martyrs. On laissa cependant passer et entrer dans la cour une jeune fille qu’une voiture venait d’amener à l’heure précise et que deux femmes portaient sur leurs bras. Il se produisit alors un phénomène, prélude de plusieurs autres, qui doit avoir sa place à cet endroit de notre récit.

Adélaïde Gain, orpheline, admise à quatorze ans à l’Œuvre de la première communion, dite de l’Enfant-Jésus, à Vaugirard, communia pour la première fois en 1864 de la main du P. Olivaint. Elle passa de cet asile à l’orphelinat des enfants délaissés, rue Notre-Dame des Champs, pour y être élevée jusqu’à vingt-et-un ans. Mais laissons la raconter elle-même sa maladie et sa guérison.

« Je fus prise au mois de janvier 1869 de forts malaises, un mal de genou se déclara, je ne marchais qu’en me traînant, jusqu’au mois de mars suivant où je fus obligée de m’arrêter. Je souffris alors des douleurs aiguës, il se faisait dans le genou un travail affreux ; il devint très-enflé et si douloureux que tout mouvement était impossible ; le contact même de couvertures était intolérable, il fallut un cerceau.

« L’inaction était complète ; on me fit subir toutes sortes de traitements, on y mit le feu jusqu’à cinq fois, les cautères, les vésicatoires, les incisions, rien ne fut épargné. Ma faiblesse augmentait toujours, je souffris de grandes douleurs d’entrailles et des douleurs de côté. On déclara une péritonite (le médecin qui m’a soignée a fait un rapport très-expliqué). L’état général de ma santé devint plus grave : on me levait seulement quelques heures sur un fauteuil, il survint des vomissements de sang, et je fus administrée le 8 juillet 1871.

Cependant depuis le massacre de la rue Haxo, j’avais prié le R. P. Olivaint de me guérir ; j’avais confiance que je serais exaucée parce que j’étais un enfant de sa chère Œuvre de la première communion. Je commençai une neuvaine et une deuxième, puis encore une troisième et jusqu’à cinq. Sans m’en douter, cette cinquième finissait le 24 juillet 1871 ; elle coïncidait avec la translation des corps des RR. Pères du cimetière à l’église du Jésus. On me proposa de m’y conduire en voiture. Quand j’arrivai, la personne qui avait eu la bonté de me porter, m’approcha du cercueil du P. Olivaint sur lequel j’étendis la main avec confiance, et je demandai au bon Père de me guérir ou de me laisser mourir si je ne devais pas être fidèle à Dieu et me sauver. En faisant cette prière j’ai posé la main sur le cercueil. En le touchant j’éprouvai une souffrance horrible ; puis aussitôt après, j’étais mieux et je dis à la personne : « Posez- moi, laissez-moi marcher, je sens que je le puis. » Elle hésitait encore et continuait à me soutenir m’offrant de l’éther, je refusai. Enfin on m’a posée à terre, j’ai fait signe que je pouvais marcher. J’ai traversé le couloir de la porterie, la cour de l’église et suis allée à la chapelle de Notre-Dame des Sept -Douleurs, contre la petite arcade qui donne sur la chapelle des Martyrs Japonais. Là, je me suis mise à genoux par terre, sans appui, sans souffrances. Mais quand le cercueil du P. Olivaint a passé j’ai souffert encore beaucoup. Je me suis relevée alors et je me suis assise. Quand il a été déposé dans la fosse, la douleur était finie. Je me suis remise à genoux et j’ai fait une prière d’action de grâces, sûre d’être guérie, n’en doutant pas et ne souffrant plus rien du tout. Je suis restée à genoux environ vingt minutes, non appuyée. Après, j’ai fait le tour de toute l’église du Jésus, je suis revenue encore jeter de l’eau bénite sur les cinq cercueils des Pères, et de là, nous sommes revenus à pied à la maison, dix minutes de chemin. Je suis revenue à pied, pendant neuf jours, à l’église pour une neuvaine d’action de grâces, restant toute la messe à genoux sur une chaise, sans douleur, sans appui. Depuis ce temps-là je ne souffre plus, toute la maladie a disparu. Plus d’enflure, plus même de trace, les cicatrices ont disparu ; la marque des cautères est seule restée, il y avait quinze jours qu’ils étaient séchés.

« Oui, c’est le R. P. Olivaint qui m’a guérie, je serais une ingrate de ne pas le reconnaître et de ne pas l’affirmer. »

Le fait n’avait pas manqué de témoins. Le médecin lui-même qui avait traité l’enfant, rédigea un long rapport qu’il intitule : Relation médicale d’un cas de guérison obtenue dans des circonstances anormales.

Vers la même époque, nous avions encore obtenu une nouvelle faveur, analogue à la première ; le mobilier des cellules de Mazas, qui pendant deux mois avait servi à nos captifs, nous était cédé par l’administration, à charge seulement pour nous de le remplacer par un autre. Ainsi nous avions les hamacs, et les chaises de paille rivées chacune à une petite table par une grosse chaîne de fer, les bidons de fer-blanc, les gobelets d’étain et les cuillers de bois. C’était le commencement du musée des martyrs. Une chambre en dehors de la clôture religieuse, par conséquent accessible à tout le monde, fut affectée et complétement appropriée à cette collection d’un nouveau genre. Tout ce qu’on y voit parle de captivité et de mort, même ce pavé couleur de sang et ces murs tapissés de rouge, avec les photographies de la Cité-Vincennes et de la Roquette, les portraits et les autographes des cinq martyrs ; on a sous la main tout le mobilier et la vaisselle de Mazas, et devant les yeux, dans une armoire vitrée, ce qu’on a pu recueillir de reliques ; les instruments de pénitence qui préludaient aux instruments du supplice, et la petite boîte mystérieuse posée sur le sachet de soie rouge, et ce vêtement du P. de Bengy devenu un affreux lambeau. Personne, je suppose, ne trouvera de l’excès dans cette religion des souvenirs. Je dirais qu’elle est traditionnelle dans l’Église, si elle n’était pas naturelle dans l’humanité.

Il ne nous reste plus à signaler que ces deux grands faits corrélatifs que nous avons seulement énoncés, les hommages du peuple et le suffrage de Dieu lui-même.

(à suivre)