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26/02/2021

L’ÉGLISE DU JÉSUS. TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS. (3e partie)

Voir la 1ère_partie et la 2e_Partie.

L’ÉGLISE DU JÉSUS.

TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS.

(3e partie)

 

Et d’abord, il y a dans les âmes chrétiennes, en fait d’appréciation, un certain tact que donne la foi, excellent criterium de certitude, que l’Église elle-même prend soin de constater et ne manque guère de ratifier. Quel fut donc, à la première nouvelle des sanglantes morts du mois de mai, au loin comme au près, l’effet instantané produit dans l’opinion catholique ? Après un premier cri, on n’entendit plus qu’une acclamation : à l’indignation contre les bourreaux avait succédé la vénération pour les victimes. On ne raisonnait même pas, on voyait et on sentait. Dès le premier jour, tout le monde était convaincu de la vérité du martyre, et on crut pouvoir invoquer ceux qu’on croyait déjà devoir honorer. Ce sentiment universel se manifesta aussitôt par des signes multiples.

Des services solennels furent célébrés dans la métropole de Notre-Dame de Paris et dans un grand nombre de cathédrales de France. C’était un hommage que la religion et la patrie tenaient à rendre aux innocentes et nobles victimes. Mais l’impression publique se formulait d’après cet adage des anciens temps : « C’est faire injure à un martyr que de prier pour un martyr. »

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Des médailles commémoratives furent frappées ; des images de tout genre furent photographiées ou gravées. On voulait surtout les portraits des martyrs : on avait ceux des PP. Ducoudray, de Bengy et Caubert, mais on eut des peines infinies à recomposer de mémoire la figure et la physionomie des PP. Olivaint et Clerc, et après mille essais infructueux, en désespoir de cause, on dût s’arrêter à un dernier type qui n’est encore qu’un pis-aller. — Une souscription spontanée fut ouverte parmi les anciens élèves de l’école Sainte-Geneviève et du collège de Vaugirard, pour élever au P. Ducoudray et au P. Olivaint un monument de leur impérissable reconnaissance. Quant aux Actes de la captivité et de la mort, en moins de deux ans, neuf éditions de format et de prix différents, furent publiées, et environ 40,000 exemplaires se sont écoulés.

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Mais allons jusqu’aux glorieux tombeaux. Là, j’en conviens, il est besoin de surveiller, pour contenir la dévotion privée dans les limites posées par l’Église. On interdit absolument, on écarte aussitôt tout ce qui pourrait sembler un signe du culte religieux : point de lampes ni de cierges ; pas d’ex-voto, ni de plaques et d’inscriptions. On permet seulement des fleurs et des couronnes ; il y en a bien dans les cimetières. Mais la piété intelligente a imaginé de ne déposer sur les tombes des martyrs que des couronnes rouge et or, emblème de la céleste auréole. Les cinq dalles blanches en sont encadrées, tout le pavé à l’entour en est parsemé ; on en fait des guirlandes le long des murs, et souvent on doit enlever les anciennes pour faire place aux nouvelles.

Pour dire le vrai mot, la chapelle des martyrs est devenue le terme d’un pèlerinage où l’on afflue perpétuellement de tout Paris, de toute la France et de tous les pays du monde. À peine peut-on entrer dans l’église du Jésus sans trouver le petit autel privilégié entouré d’un cercle de suppliants de tout âge et de tout sexe. Beaucoup de prêtres étrangers veulent dire la messe près du tombeau des martyrs, beaucoup de fidèles veulent y communier. Pour répondre à tant d’empressement, il est devenu nécessaire d’établir sur cet autel, jusque-là inhabité, un tabernacle spécial, où l’on transporte chaque matin un Saint-Ciboire qu’on enlève ensuite à la fin des messes.

Le concours au musée des martyrs n’était guère moins continu. Comme la dévotion elle-même suggérait de petites indiscrétions, un de nos Frères devait accompagner les visiteurs. Force a donc été de restreindre les entrées à certains jours de la semaine pour n’être pas obligé de rester là en permanence.

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Un autre témoignage de la vénération universelle, même à distance, ce sont les lettres adressées à la rue de Sèvres de toutes parts, non-seulement de la province, mais encore des pays étrangers et des contrées les plus lointaines. Dépouiller toutes ces correspondances, les lire et y répondre, est devenu presque une fonction, si bien que le supérieur, à la longue, obéré par la tâche, s’est vu réduit à déléguer un de nos Pères pour être d’office secrétaire des martyrs. Du reste, avec mille variantes dans la forme, le fond est toujours de demander ou de remercier : on sollicite des prières, des messes, des neuvaines, ou bien on signale des grâces obtenues.

Je ne dois pas omettre la prodigieuse diffusion des reliques. Tout le monde en voulait, et il fallait contenter tout le monde. Mais grâce à la divisibilité de la matière, les vêtements des martyrs ont été réduits en parcelles infiniment petites et infiniment nombreuses. Avec le temps, le système de distribution s’est perfectionné : sur une petite image on a gravé une croix de couleur rouge ; vers le centre et aux quatre extrémités les cinq parcelles sont fixées à la colle. Vraiment, une croix, c’est la vraie place des martyrs. Il serait absolument impossible de constater maintenant le nombre approximatif de ces images données ou envoyées, non pas une à une, mais par centaines et par milliers. Pour être exact, il faut dire qu’on les a jetées à tous les vents du ciel.

Pour clore enfin cette série de faits, je n’en cite plus qu’un, qui les complète et les confirme, en y ajoutant déjà le sceau de l’autorité hiérarchique.

Le 26 mai 1872 était l’anniversaire du massacre de 1871, il était de toute convenance de le célébrer par un service funèbre. Mais la Providence elle-même changea les conditions de la cérémonie. La date désormais bénie se trouva tomber un dimanche et coïncider avec la fête majeure de la Sainte Trinité. À raison de cette circonstance, la couleur blanche devenait de nécessité liturgique, l’église d’ailleurs était d’avance splendidement décorée pour l’adoration solennelle du Saint-Sacrement. Tout était comble. Après la messe, M. l’abbé Bayle, vicaire général de Paris, témoin accrédité de la Conciergerie, de Mazas et de la Roquette, prononça l’oraison funèbre, qui devint presque un panégyrique. Voici ce qu’il a déposé lui-même à ce sujet : « Invité à prêcher l’oraison funèbre, mon discours a eu précisément pour but de montrer à une assemblée très-nombreuse que les cinq Pères avaient été persécutés et mis à mort en haine du nom de Jésus, qu’ils portaient avec tant de gloire. Cette opinion, je la trouve partagée par les hommes les plus éminents, puisque j’en ai parlé avec l’Archevêque de Paris actuel, devant son entourage, et que personne ne m’a fait la moindre observation sur cette opinion que j’avais avancée publiquement. »

Mais la proposition émise à Paris n’eût point été contredite même à Rome. Dans une audience privée, le 3 décembre 1872, le Souverain-Pontife a daigné me parler dans le même sens, et naguère encore un éditeur de Paris lui ayant fait hommage des Actes et des photographies de nos cinq martyrs, en retour Pie IX lui fait adresser une réponse où ils sont désignés expressément comme mis à mort tous les cinq en haine de la foi.

Mais enfin Dieu lui-même s’est-il prononcé ? En vérité, l’Église seule a grâce pour le savoir et pour nous l’apprendre, et quand elle nous l’aura une fois révélé, alors nous le croirons. Mais en attendant, sans témérité, ce semble, nous inclinons à le penser. Dieu ne s’est-il pas réservé, pour le besoin de la vérité et pour la cause de la vertu, la langue inimitable des prodiges ? Eh ! bien, à en juger par des faits nombreux et certains, déjà nous aurions entendu un écho de la voix divine. Nous avons sous la main tout un dossier de pièces probantes, des rapports originaux accompagnés d’attestations officielles. Mais leur place n’est pas précisément dans ce recueil : d’une part un récit circonstancié paraîtrait excessif ; de l’autre, une simple nomenclature serait insuffisante et fastidieuse. Quelques extraits bien courts suffiront donc à notre objet, et par ce que nous citerons on pourra facilement juger de ce que nous omettons.

Dans une première catégorie, je comprends des faveurs spirituelles ou temporelles de toute nature obtenues par l’intermédiaire de nos martyrs. Le détail en serait infini : ce sont le plus souvent des conversions inespérées, des réconciliations inattendues, des inspirations soudaines, d’heureuses solutions de malheureuses affaires, et presque toujours avec de singulières coïncidences qui laissent du moins entrevoir une action supérieure. Je citerai un seul de ces faits où l’intervention surnaturelle est bien accusée. La femme d’un riche banquier de Paris en fut l’objet, un de ses fils, ancien élève du P. Olivaint, en sera le narrateur.

« Mon révérend Père,

« Conformément au désir que vous m’en avez exprimé, voici par écrit mes souvenirs, confirmés par ceux de mon frère, de sa femme et de la mienne, au sujet de l’incident qui signala les derniers instants de ma pauvre mère.

« Le lundi 17 juin 1872, ma mère souffrait depuis deux jours d’une obstruction intestinale, maladie dont les médecins, sans nous en dissimuler la gravité, ne nous avaient pas encore laissé entrevoir l’issue fatale. Très vivement préoccupé néanmoins, je fus le matin, sur les dix heures, à la rue de Sèvres, où, parlant au frère portier, je lui demandai des reliques des Pères martyrs en même temps qu’une messe à l’autel de la chapelle où ils reposent. Il me donna un morceau d’étoffe, ayant appartenu aux vêtements du P. de Bengy et du P. Olivaint, les seuls que j’eusse connus.

Sur l’avis pressant du médecin, mon frère et moi nous revînmes à C., sur les deux heures. Nous trouvâmes mon père assez tranquille : ma mère venait de prendre une potion sur l’effet de laquelle les médecins comptaient en dernier ressort, et il nous témoigna son étonnement de nous voir de retour, ayant quitté les affaires de si bonne heure. Il nous dit que notre mère venait de lui dire : « Si ce soir, après la consultation, la médecine n’a pas produit l’effet qu’on en attend, je me confesserai à M. le curé de C. » (Elle avait accompli ses devoirs religieux quelques jours auparavant à l’occasion de la Pentecôte.)

« Je remis alors à ma belle-sœur les reliques des Pères en lui recommandant de les faire donner de suite à ma mère par sa femme de chambre, qui la gardait.

« La femme de chambre les lui remit en lui disant : « Madame, voici des reliques des Pères martyrs que M. Hubert a été chercher pour Madame à la rue de Sèvres. » — « Donnez-les moi, elles calmeront mes douleurs. » Au bout de quelques instants, elle dit à la femme de chambre, assise au pied de son lit : « Cécile, écartez-vous, voilà les Pères ! je les vois !... voici le P. Olivaint !... Il me dit : « Ma fille, confessez-vous !... Ma mère fit chercher mon père immédiatement et lui dit ce qui venait de se passer.

« Nous fîmes quérir M. le curé de C. : ma mère se confessa, reçut les sacrements et récita toutes les prières à haute voix avec la plus grande foi. Elle était dans la possession la plus pleine de toutes ses facultés : elle fit à chacun de nous ses dernières recommandations, fit venir ses petits-enfants et leur fit à tous les plus touchants adieux.

« Nous ne voulions croire qu’elle fut à la dernière extrémité et pour ne point la fatiguer, nous nous retirâmes ne laissant que mon père auprès d’elle.

« Il était quatre heures environ. Sur les cinq heures, elle me fit appeler pour un petit détail concernant sa maison. Je m’agenouillai près d’elle et lui dis : « Ma chère mère, tu as donc vu les Pères ? » — « Oui je les ai vus ! » — « Comment étaient-ils ? » — « Ils étaient là près de ma cheminée dans une auréole. Le bon P. Olivaint m’a dit : « Confessez-vous, ma fille, et puis ils ont disparu ! »

« Sur les huit heures les médecins revinrent, ma mère fit ses adieux à l’un d’eux, qui nous était dévoué depuis vingt-cinq ans. Quelques minutes après, l’agonie commençait, agonie bien douce et bien calme ; et à une heure du matin, elle expirait.

« Nous fûmes frappés de cette coïncidence remarquable, que si elle avait attendu jusqu’après la consultation pour se confesser, comme elle en avait d’abord témoigné l’intention, la maladie ne lui en eût pas laissé le temps, et en tout cas ne lui eut pas laissé la pleine possession de ses facultés pour accomplir ce suprême devoir.

« H. H. »

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(à_suivre)

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