UA-67297777-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/03/2018

Recensions de livres du RP Charles Daniel (L'Université Catholique - 1896)

Voici une recension de deux livres du RP Charles Daniel, sj. Cette recencion est parue est parue dans 

L’Université catholique, nouvelle série, Tome XXII. Faculté Catholique de Lyon,  Mai-Août 1896

Universite_Lyon.jpg

oOo

Bibliographie

  1. Questions actuelles. — Religion, philosophie, histoire, art, et littérature, par le R. P. Ch. Daniel, fondateur des Etudes religieuses. Précédées d’une notice et d’une introduction par les RR. PP. Mercier et Fontaine, S. J. 1896. 1 vol. in—8 de 489 pp. Paris et Poitiers, H. Oudin.
  2. Alexis Clerc, marin, jésuite et ôtage de la commune, fusillé à la Roquette le 24 mai 1871. Simple biographie, parle R. P. Ch. Daniel, de la Compagnie de Jésus. 1895. 1 vol. in-12 de VIII-496 pp. Paris, Téqui.

Le nom du P. Charles Daniel n’est pas encore oublié. Bien que des infirmités douloureuses l’aient condamné, à la fin de sa vie, à une inaction forcée, et lui aient fait rompre brusquement toute relation avec le monde, il a joué un rôle trop considérable pour que sa mémoire s’éteigne si vite, même à une époque où les préoccupations d’hier disparaissent si facilement devant les intérêts d’aujourd’hui. II reste toujours le fondateur des Etudes religieuses, et son rédacteur le plus goûté de la première heure. Comme son activité a été en partie absorbée par des articles de revues, on pouvait craindre qu’elle n’eût plus d’influence sur les lecteurs d’à présent, qui ne songeraient guère à aller chercher ces études dans les collections où elles étaient enfouies. C’est ce qui a déterminé le P. Mercier à choisir les plus remarquables de ces travaux pour en composer un juste volume. Afin que nous puissions les comprendre plus parfaitement et entrer dans l’esprit de celui qui les a composés, le P. Mercier nous donne en même temps une biographie du P. Daniel, et le P. Fontaine a écrit une introduction très claire et très nette, où il nous explique l’occasion qui e fait naître les articles, et l’importance qu’ils eurent au moment de leur apparition.

Quel nom fallait-il donner à ce recueil, composé d’études si variées, nous allions dire si disparates ? Les éditeurs ont choisi celui de Questions actuelles, dont l’exactitude pourrait être discutée. Si l’on peut appliquer cette dénomination à des questions qui ont quelques rapports avec celles qui s’agitent aujourd’hui, qui peuvent, par exemple, se résoudre d’après les mêmes principes, nous n’avons aucune objection à opposer ici. Mais si l’on réserve cette appellation pour les problèmes qui sont à l’ordre du jour, et qui sont de nature à passionner le grand public, elle n’aurait pas dû être donnée à ce recueil. Ne chicanons pas d’ailleurs sur les mots. Nous avons lu avec plaisir et profit ce livre, où il y a tant de belles pages et tant de détails intéressants. L’humble et savant religieux écrit parfois d’une manière admirable, qui rappelle nos grands écrivains du xviie siècle. Dans les polémiques, il change de ton, et devient aussi vivant que précis, aussi pressant qu’imagé. Partout il mérite de retenir l’attention, soit qu’il rectifie un point des Mémoires de M. Guizot, soit qu’il célèbre avec enthousiasme Montalembert et ses Moines d’Occident, soit qu’il esquisse la biographie de Mme Swetchine, soit qu’il expose la banqueroute du protestantisme, soit qu’il montre le chemin qui mène de l’optimisme au panthéisme. Mais n’insistons pas plus longtemps sur ce recueil d’articles : nous avons à parler d’un livre proprement dit composé par le P. Daniel nous voulons dire la biographie du P. Alexis Clerc, l’un des martyrs de la Commune.

Misericordias Domini in æternum cantabo. Telles sont les paroles qu’un vieux peintre espagnol met dans la bouche de sainte Thérèse, comme si elles suffisaient à résumer toute sa vie. C’est aussi l’épigraphe que l’on pourrait donner à la biographie du pieux jésuite. On ne saurait assez admirer la miséricordieuse conduite de la Providence à son égard, et ce que peut la grâce dans la transformation de l’homme. A force de persévérance et de recherches, le P. Daniel est parvenu à reconstituer les détails de cette vie si extraordinaire, et qui devait finir par le martyre. II est intéressant de suivre avec lui son héros à la maison paternelle, où il eut le malheur de perdre trop tôt sa mère, puis dans ces pensions où il s’habitua trop facilement à l’indifférence religieuse, et ensuite à l’Ecole polytechnique, où il se fit aimer de tous par son enjouement et son heureux caractère. Alexis Clerc songea quelque temps devenir professeur ; puis, au grand étonnement de tous, il se fit marin. La Providence, semble—t-il, voulait l’arracher à la maison paternelle, où les exemples de son père, un des premiers actionnaires du Siècle, ne pouvaient être que pernicieux pour lui. C’est en plein océan Pacifique, dans l’archipel des îles Gambier, que devait commencer son retour à Dieu. Il fut émerveillé, comme l’avait été peu de temps auparavant le commandant Marceau, par le dévouement des missionnaires et les heureux effets de leur apostolat parmi les indigènes. Puis, avec sa droiture naturelle, il voulut connaître de plus près cette religion qu’il avait appris à aimer sur les genoux de sa mère, et qu’il avait tant négligée depuis. La Démonstration évangélique, de Duvoisin, suffit à le ramener. Quand il eut fait le dernier pas, en revenant à la pratique des sacrements, il devint un apôtre, et contribua puissamment à convertir plusieurs de ses amis. Puis, en marchant d’un pas ferme et continu dans la voie de la perfection, il crut qu’il devait être quelque chose de plus qu’un marin, et il se fit jésuite.

On le vit alors, modeste surveillant de l’école préparatoire de la rue des Postes, conduire les élèves en promenade travers les rues de Paris. Quand il eut été nommé professeur la même école, il continua de faire le bien en cherchant le silence et l’oubli. Puis, à cinquante-un ans, en pleine activité scientifique et au moment où les moissons les plus abondantes semblaient réservées à son zèle, la guerre éclata, suivie des horreurs de la Commune. Et, pour le nom de Jésus-Christ, auquel il s’était donné tout entier, le P. Clerc tomba sous les balles des fédérés, après avoir ramené à Dieu un parlementaire imbu des traditions gallicanes, le président Bonjean.

Certes, c’est une vie et une mort bien enviables. Le P. Daniel nous les raconte avec un vrai talent d’écrivain, et la biographie qu’il a écrite est palpitante d’intérêt. Nous engageons ceux qui ne la connaissent pas encore à se la procurer, et à apprendre ce que fut cet éminent religieux, appelé à la troisième heure, mais ouvrier d’autant plus infatigable et sans reproche, operarius inconfusibilis.

A. L.

16/12/2017

Ecoute et docilité parfaite

Vu sur: https://evangeliser.net/lecoute-docilite-parfaite/ 

L’écoute et la docilité parfaite

2017-03-10 Geoffroy de Lestrange

 

Introduction : La difficile écoute …

…  d’un aspirant

L’abbé Clerc, jésuite, meurt, martyr de la Commune, le 24 mai 1871, à la prison de La Roquette, avec Mgr Georges Darboy, archevêque de Paris et 30 compagnons. M. Clerc avait été officier naval. Le 16 mai 1871, à la prison de Mazas, il écrit une lettre en réponse à un ami qu’il a converti à bord du « Cassini » et qui l’assure de sa prière. « J’avais l’espérance que Dieu me donnerait la force de bien mourir; aujourd’hui mon espérance est devenue une vraie et solide confiance. Il me semble que je peux tout en Celui qui me fortifie. […]  Comme vous aurez une grande part à ce bienfait de la force qu’il m’aura prêtée ! » La conversion de son correspondant n’avait pas été aisée. Les raisons en étaient simples : Des notions de catéchisme, dans un environnement hostile, si bien qu’il communie pour la première fois à douze ans et demi, mais « cette première fois devait, hélas, être presque la dernière, pour un long temps du moins ». Un très fort respect humain : «  A la fête de Pâques qui suivit ma première communion, j’étais déjà profondément gâté par le respect humain, et si, à cette occasion, j’approchai une fois de la sainte Table, ce fut à l’invitation des religieuses de l’infirmerie, où je me trouvais dans ce moment, et sans doute le Dieu d’amour ne trouva plus dans mon cœur qu’une bien chétive flamme, trop refroidie déjà pour qu’Il pût l’aviver. De ce jour les ténèbres s’épaissirent de plus en plus autour de mon âme et, après avoir rougi d’abord d’un moment de naïve piété, j’en vins bientôt à me faire une misérable gloire d’afficher l’impiété par mes actes, comme par mes discours. Notre jeune homme passe du collège à l’école préparatoire, puis à l’école navale. A 19 ans, il prend la mer en qualité d’aspirant. Embarqué sur Le Cassini, le bateau compte parmi ses officiers M. Clerc, lieutenant de vaisseau. Devant ses camarades pratiquants, deux ou trois, l’aspirant proclame hautement et bruyamment son impiété. Voguant vers l’île de la Réunion, son navire porte Mgr Desprez, évêque nommé de cette île, avec plusieurs prêtres et des religieuses, et en Chine, Mgr Vérolles, évêque de Mandchourie, ainsi que plusieurs prêtres des Missions étrangères. Seul de tout le personnel, il s’abstient de participer à l’Office de Pâques, « très fier de me voir seul, parmi tant de personnes, complètement exempt de sots préjugés et courageusement indépendant. » Descendu à terre sur une des îles de la terre de Chine, il cueille pourtant des fleurs et les offre à des religieuses qui alors n’auront de cesse de prier pour lui. Au mois de janvier 1853, le vaisseau séjourne dans les eaux de Canton où monte l’abbé Girard, prêtre des Missions étrangères. Celui-ci l’engage à ne pas repousser indéfiniment la grâce divine, puis le confie au lieutenant de vaisseau Clerc. Celui-ci, un soir, alors que le bateau était à l’ancre, arrache à l’aspirant l’aveu du vide douloureux qu’il ressent souvent dans son âme, alors qu’il « prêtait l’oreille » aux leçons d’astronomie à l’école navale, et que l’immensité étoilée qu’il contemple souvent lui fait deviner « au-delà de cette matière immense, mais finie, l’Infini que mon âme avait perdu ». Il lui fait  retrouver la foi, les sacrements, la prière.

… des disciples

« Celui-ci est Mon Fils bien-aimé, en qui je trouve Ma joie : écoutez-Le ! » Se pourrait-Il que les trois disciples aient été distraits ? Il semble que oui. Pierre intervient dans le colloque du Seigneur avec Moïse et Elie, sans beaucoup d’attention. L’un des récits de la Transfiguration ose dire qu’ « il ne savait pas ce qu’il disait ». (Lc. 9, 33) De même, l’aspirant est, à sa manière, un distrait, au moins distrait de Dieu…

… du fidèle

Cette distraction est ce contre quoi s’élève le Père éternel. En quoi consiste cette distraction ? C’est ce sur quoi la Transfiguration nous invite à réfléchir.

  1. Les obstacles à l’écoute de Dieu…

L’injonction d’écouter reporte chacun au récit du Sinaï où Moïse reçoit la Torah et demande au peuple de la mettre en pratique. Benoît XVI dira que « Jésus est la Torah elle-même », (Jésus de Nazareth, éd. Flammarion, 2008, p. 365) qui n’est pas écouté. Il y a une nuance, en français, entre écouter et entendre. « Moïse, dit le Livre des Nombres, entendait la voix qui lui parlait du haut du propitiatoire placé sur l’arche du témoignage, entre les deux chérubins, et il parlait à l’Eternel. » (Nb. 7, 89) On peut écouter distraitement, comme Pierre, mais on ne peut pas entendre distraitement. Soit on entend, soit on n’entend pas.

  • Le premier obstacle à l’écoute est la distraction: On écoute, mais, de fait, on n’entend pas. Il arrive, évidemment que la surdité soit matérielle, mais elle est aussi spirituelle.
  • Jésus Lui-même fait face à cette surdité : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » demandent les disciples à Jésus. A quoi Il répond : « Parce qu’ils voient sans voir et entendent sans entendre ni comprendre. » (Mt. 13, 10. 13) Jésus cite Isaïe pour que Son propos soit bien clair : « L’esprit de ce peuple s’est épaissi : ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur esprit ne se convertisse et que Je ne les guérisse. » (Mt. 13, 14) En un mot, la distraction est une volonté de ne pas entendre.
  • Les disciples du Seigneur font face à cette surdité. Alors que le Père Girard s’entretient avec l’aspirant en lui commentant une lettre qu’il lui a écrite, celui-ci veut « échapper à l’influence pernicieuse » du bon Père. Quelques instants après, il lit à ses camarades réunis, en en faisant des gorges chaudes, la charitable lettre que le prêtre lui avait écrite et commentée.
  • Le deuxième obstacle est l’obstination. Le type de l’obstiné, c’est Pharaon. Le Seigneur avertit Moïse que Pharaon n’écoutera pas et ne tiendra aucun compte des prodiges qu’il fera. Il dit même que c’est Lui, le Seigneur qui « endurcira », « appesantira » et fera « s’obstiner » le cœur de Pharaon : « Moi, J’endurcirai son cœur et il ne laissera pas partir le peuple ! » (Ex. 4, 21; 7, 3 ; 9, 12 ; 10, 1, 20 et 27 ; 11, 10 ; 14, 4, 8 et 17). Le Seigneur explique dans l’Evangile comment Il procède avec les obstinés : « A tout homme qui a, l’on donnera et il aura du surplus ; mais à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. » (Mt. 25, 30)
  • Cette obstination à rejeter les grâces de Dieu est si grave que l’abbé Girard n’hésite pas à avertir l’aspirant. le Père Clerc finira par le convaincre de céder à la grâce. Mais l’aspirant avoue lui-même qu’il a été bien loin dans l’obstination.
  • Le troisième obstacle, le plus grave, c’est l’opposition. Alors que tout un vaisseau va à la Messe le jour de Pâquesl’aspirant se sent très fier de se voir seul, « exempt de sots préjugés etcourageusement indépendant. » Il a raison contre tous.
  • Le dernier obstacle, c’est la haine. Quand Jésus ressuscite Lazare, Il signe son arrêt de mort. (cf. Jean 11, 46-53) Les chefs Juifs devant ce miracle éclatant, ne se convertissent pas, mais en conçoivent une jalousie extrême, jusqu’à la haine. Ne pas voir, ne pas entendrece n’est pas dans la Bibleune simple distraction, c’est s’opposer à Dieu Lui-même.
  • « La présence de ces personnes consacrées à Dieu [à bord du bateau] irritait mon humeur antireligieuse », écrit notre aspirant. L’irritation entretenue est bien proche de la haine, dont, l’aspirant, par miracle, a été gardé.
  1. L’écoute de Dieu…

Le Père céleste « trouve [Sa] joie » en son Fils précisément parce que le Fils écoute Son Père. « Je fais toujours ce qui Lui plaît », dit Jésus. « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que Je Suis et que Je ne fais rien de Moi-même, mais Je dis ce que le Père M’a enseigné, et Celui qui M’a envoyé est avec Moi ; et Il ne M’a pas laissé seul, parce que Je fais toujours ce qui Lui plaît. » (Jn. 8, 29) L’écoute de Jésus consiste ici :

  • A ne pas avoir d’initiative propre.
  • A être comme le répétiteur du Père : « Je dis ce que le Père M’a enseigné. »
  • A faire ce qui plaît au Père.

Conclusion : L’écoute consiste en une docilité parfaite…

En un mot, l’écoute consiste en une docilité parfaite. La source en est la vénération. C’est parce que Jésus vénère le Père qu’Il lui est soumis. Cette vénération est pleine d’affection. Si Jésus, à l’agonie, préfère la volonté du Père à la Sienne, ce n’est pas tant en raison de la grandeur de Dieu, qu’en raison de Son affection pour Lui. La docilité, se laisse faire. C’est l’exemple que nous laisse :

  • Joseph. Dans un très beau vitrail de l’église N.D. de Dijon, Joseph est représenté, dormant, appuyé sur son bâton de marcheur. Il dort, mais son cœur veille, (Ct. 5, 2) attentif à écouter ce que le Seigneur, l’Invisible, lui dit en songe, lui parlant comme Il a coutume de le faire avec les prophètes : « S’il y a parmi vous un prophète, c’est en vision que Je me révèle à lui, c’est dans un songe que Je lui parle. » (Nb. 12, 6) Au fiat de Marie (Lc 1, 38) répond, sans un mot, la docilité parfaite de Joseph à tout ce qui lui est demandé : « Joseph fit comme l’ange du Seigneur lui avait prescrit. » (Mt 1,24, Mt 2,14.21)
  • François de Sales. On faisait circuler, dans Annecy, une lettre anonyme, l’accusant de prostitution. A la porte de son évêché, on venait le menacer avec pistolets et épées, crier des chansons paillardes, jeter boue et excréments. On amenait une meute de chiens que l’on faisait hurler à la mort, afin d’empêcher son sommeil. Il commandait simplement de « fermer les portes ». Rencontrait-t-il l’un de ses détracteurs, il l’embrassait affectueusement, comme si de rien n’était. S. Jeanne de Chantal lui reprochait de trop « se laisser faire », mais il l’avait appris de Jésus Lui-même qui se « laissait faire » par la soldatesque à la Passion.

Ecouter Jésus, c’est donc se laisser faire par Dieu et par autrui. N’enseignait-il pas à tendre la joue gauche quand on était frappé sur la joue droite ?

Prions : «  Seigneur, fais-nous la grâce de T’écouter en nous « laissant faire » par Toi et par notre prochain. Amen. »

Question : Dans quelles situations vous a-t-il semblé que vous écoutiez ?

Suggestion : Aimer à se laisser faire par son prochain.

Oraison jaculatoire : « Me voici, ô Dieu, pour faire Ta volonté ! »

01/09/2017

L’œuvre et la chapelle de la rue Haxo (La Croix, 31 mai 1938)

La Croix, 31 mai 1938

Les idées – LA CROIX – Les faits

 

Les massacres des otages

L’œuvre et la chapelle de la rue Haxo

  Le 67e anniversaire du massacre des otages a été commémoré tout récemment 85, rue Haxo.

  Au moment où socialistes et communistes manifestent devant le mur du Père-Lachaise, il n’est pas inutile de rappeler les assassinats de la Commune, dont le mur sanglant de la rue Haxo porte le témoignage indélébile.

*
* *

  Le 22 mai 1871, après l’entrée des troupes de Versailles à Paris, Mgr Darboy, archevêque de Paris M. Deguerry, curé de la Madeleine; M. Bonjean, président de la Cour de cassation les PP. Ducoudrav et Clerc, Jésuites; les PP. Pernv et Houillon, des Missions Etrangères, et d’autres otages ecclésiastiques et civils, détenus à Mazas, furent transférés à La Roquette. Les deux fourgons où l’on avait empilé les prisonniers traversèrent le faubourg Saint-Antoine au milieu des cris : « A bas les calotins ! N’allez pas plus loin ! Qu’on les coupe en morceaux ici ! »

  L’abbé Deguerry, toujours droit, malgré ses 74 ans, calme, « aussi peu soucieux que s’il se fût rendu en temps ordinaire chez un de ses amis » (récit du P. Perny), dit à Mgr Darboy, en lui montrant les missionnaires :

— Voyez donc, Monseigneur ces deux Orientaux qui viennent se faire martyriser à Paris ! N’est-ce pas curieux ?

  Un des prêtres demanda à l’archevêque :

— Monseigneur, vous qui avez écrit sur la vie de saint Thomas de Cantorbéry, pensez-vous que, théologiquement parlant, si on nous condamnait à mort, cette mort serait un martyre ?

— On ne nous tuerait pas, répondit le prélat, parce que je suis Mgr Darboy et vous M. Untel, mais parce que je suis archevêque et vous prêtre et à cause de notre caractère religieux notre mort serait donc un martyre.

  Le mercredi 24 mai, à 8 heures du soir, un détachement, composé des « Vengeurs de la commune et de différentes armes, arriva à la Roquette.

— Ah ! cette fois, nous allons les coucher criait leur chef, le capitaine Jean Viricq.

  Extraits de leurs cellules, Mgr Darboy, M. Deguerry, le président Bonjean, les PP. Ducoudray et Clerc, M. Allard, missionnaire et aumônier militaire, furent entraînés dans le chemin de ronde. Comme les assassins vomissaient les injures les plus grossières, un de leurs officiers leur cria :

— Taisez-vous ! Nous sommes ici pour les fusiller et non pour les insulter. Demain, la même chose nous arrivera peut-être, à nous aussi.

Mgr Darboy avait sur sa poitrine la croix de Mgr Affre, tué en juin 1848, et à son doigt l’anneau de Mgr Sicard, archevêque de Paris, assassiné en 1857. Il donnait le bras au président Bonjean, le curé Deguerry, au P. Ducoudray ensuite venaient les PP. Clerc et Allard. Sans une plainte, sans un murmure, ils s’encourageaient mutuellement. Arrivés à l’angle du second mur d’enceinte, ils se mirent à genoux, prièrent quelques secondes, puis se redressèrent et tombèrent sous un feu de file.

*
* *

La_Croix_31 mai 1938 (2).jpg

  Le lendemain, à la prison disciplinaire du 9e secteur, 38, avenue d’Italie, eut lieu le massacre des Dominicains d’Arcueil : les PP. Captier, Cotrault, Bourard, Delhorme et Chatagneret, deux professeurs et six serviteurs du collège. Cerisier, colonel de la 13e division, assisté d’une femme, dirigeait l’exécution. On fit croire aux prisonniers qu’on allait les libérer. Bobèche, directeur de la prison, vêtu d’une chemise rouge, tenant par la main son fils âgé de six ans, ouvrait la porte et criait :

— Allons , les calotins, arrivez et sauvez-vous !

  Les malheureux se précipitaient dehors, où ils étaient canardés par les fédérés à l’affût derrière les arbres et sous les portes cochères. Le P. Chatagneret, atteint de 31 coups, remuait encore.

— Tirez donc ! hurla Cerisier, ce gueux-là remue encore !

*
* *

  Le 26 mai, vers 4 heures de l’après-midi, 52 prisonniers furent extraits de La Roquette : 10 prêtres : les PP. Olivaint, Caubert, de Bengy, Jésuites ; les PP Radigue, Rouchouze, Tardieu, Tuffier, des Sacrés-Cœurs de Picpus le P. Planchat, des Frères de Saint-Vincent de Paul M. Sabattier, vicaire à Notre-Dame-de-Lorette, et Paul Seigneret, séminariste 36 gardes de Paris et 6 civils. Escorté de 150 gardes nationaux, bientôt renforcés par les « Enfants perdus de Bergeret », précédé de tambours et de clairons, le cortège suit le boulevard de Ménilmontant, longe le Père-Lachaise, remonte la rue de Ménilmontant, la rue de Puelba (actuelle rue des Pyrénées), la rue des Rigoles. Un homme à cheval ouvrait la marche, criant que c’étaient des prisonniers versaillais. Aussitôt la populace se déchaine :

— Mort aux curés ! Mort aux cognes !

 Un gamin de 14 ans, désignant un prêtre qui, exténué, s’appuyait sur son compagnon :

— Je voudrais bien me payer ce vieux-là ! dit-il.

A l’ancienne mairie de Belleville, une cantinière, revolver en main, prit la tête du cortège. La musique jouait une marche de chasseurs. Un spectateur demanda :

— Où les mène-t-on ?

— Au ciel répondit un garde qui jugea prudent de s’éclipser.

 Le cortège, devant lequel un jeune garçon dansait en jonglant avec son fusil, poursuivait, par la rue de Belleville, la montée du calvaire parmi les hurlements, les vociférations, les cris de mort des hommes, des femmes et des enfants.

  On arrive à la cité de Vincennes (85, rue Haxo), séparée de la rue par, une grille et composée de maisonnettes sordides, de misérables baraques, de jardins potagers, de terrains vagues. Au fond, un grand mur, une salle de bal en construction. Dans le pavillon du fond, la Commune avait établi le 2e secteur.

  Les prisonniers sont poussés dans l’enclos. Un brigadier d’artillerie, posté à l’entrée, abat son poing sur chacun d’eux.

— J’ai tant tapé dessus que j’en ai la patte toute bleue, se vantera-t-il à la fin de la journée.

  Prêtres et gendarmes sont collés contre le mur. A ce moment, il se produit quelque hésitation. Dans le pavillon du secteur, une sorte de Conseil de guerre délibère. Deux capitaines essayent de gagner du temps, mais se sauvent sous les menaces de la foule qui a envahi l’enclos.

— Pas de pitié pour les Versaillais ! Pas de calotins ! Pas de gendarmes ! crie la cantinière en déchargeant son revolver.

  C’est le signal du massacre.

  Les prêtres, les uns à genoux, les autres debout, présentent leur poitrine aux balles. Ils sont achevés à coups de pieds, de crosses, de baïonnettes. Les gardes et les civils subissent le même sort.

  Le lendemain, les cadavres, préalablement détroussés, furent jetés dans une fosse, devant le mur sanglant.

 Le même jour, rue de La Roquette, la Commune ajoutait quatre victimes ecclésiastiques au tableau de ses assassinats : Mgr Surat, vicaire général de Paris ; M. Bécourt, curé de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ; le P. Houillon, missionnaire ; le Frère Sauget, des Ecoles chrétiennes.

*
* *

  Un des tueurs de la rue Haxo, le chaudronnier Joseph Rigaud, devant les 52 corps, avait dit :

— Voilà au moins un tas de fumier qui ne se relèvera pas !

  Il se trompait. « Le sang des martyrs est une semence de chrétiens. » Sur ce terrain sanctifié par leur supplice, il y a une admirable floraison d’œuvres.

  En 1889, pour la première fois, la messe y fut célébrée dans un oratoire minuscule de 3 mètres sur 4, orné de fleurs, ainsi que le mur sanglant. Le 15 août 1892, quelques dames missionnaires s’installèrent dans un des pavillons de la villa des Otages (c’est le nom de l’ancienne cité de Vincennes) ; puis, peu à peu, les pavillons voisins furent achetés les uns après les autres, avant d’être remplacés par de nouvelles constructions. Le petit oratoire, après avoir subi plusieurs agrandissements, pour répondre à l’afflux des fidèles, va être remplacé par une magnifique chapelle dont la construction est fort avancée et qui doit être bénie par le cardinal Verdier le dimanche 23 octobre. C’est le 81e chantier du cardinal ; le premier coup de pioche a été donné en août 1935. Le devis prévu de 850 000 francs atteindra 1 500 000 fr. Nous sommes convaincus que la charité chrétienne permettra d’achever ce sanctuaire[1].

  Lors de la démolition de La Grande Roquette, les cellules qui avaient été occupées par les PP. Olivaint, Ducoudray, Caubert, Clerc et de Bengy furent acquises par l’œuvre et reconstituées, à la villa des Otages, où on peut les visiter chaque jour.

 Le 85, rue Haxo, est devenu un véritable centre d’apostolat, dans ce XXe arrondissement, essentiellement populaire. Sous la direction du R. P. Diffiné, digne successeur des PP. Pitot et Auriault, les œuvres se sont multipliées et développées : catéchismes, Congrégation de Marie-Immaculée, réunion d’hommes, patronages, cercle d’études, foyer pour les soldats des casernes des Tourelles et Mortier, colonies de vacances, etc.

  Voici quelques chiffres qui donneront une idée de l’activité et des résultats de l’œuvre des Otages depuis sa fondation, en 1893, jusqu’en 1937 : 3 606 baptêmes d’enfants, 207 d’adultes, 4 343 communions, 4 855 confirmations, 600 934 communions de fidèles (depuis 1902) ; aux patronages : 7 993 garçons, 8 000 filles aux colonies de vacances : 508 garçons, 1 354 filles ; 42 295 visites aux familles, aux pauvres, aux malades ; 17 abjurations dans les dix dernières années ; 35 vocations.

Qu’il me soit permis, pour terminer, d’adresser à nos nombreux lecteurs un chaleureux appel en faveur de cette admirable œuvre des Otages, si intelligemment dirigée par un véritable homme de Dieu.

de Grandvelle.

 

[1] Les dons sont reçus avec reconnaissance par le R. P. Diffiné, directeur de l’œuvre des Otages, 85, rue Haxo, Paris (XXe). (Chèque postal : Diffiné, Paris 248-18.)