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30/06/2013

VIE DU PERE ALEXIS CLERC PAR CH. DANIEL (Chapitre 11)

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CHAPITRE XI.

 

vaugirard. — école sainte-geneviève. — laval.

 

 

On peut croire qu’après un tel noviciat il avait jeté les fondements des vertus solides et parfaites. La Compagnie n’avait pas encore fini de le former, mais elle pouvait déjà lui demander quelques services. Au commencement de l’année scolaire 1855-x 856, il fut envoyé au collège de l’Immaculée-Conception à Vaugirard pour remplir les fonctions de surveillant en même temps qu’il se préparerait, en suivant un cours complémentaire, à subir un examen sur toutes les parties de la philosophie.

C’était l’apprentissage de sa vie de collège, son début dans la grande œuvre de l’éducation, à laquelle il devait consacrer huit autres années. Des quatorze ans qui lui restaient à vivre, il en passa donc neuf dans les collèges ; ajoutez-y quatre années de théologie (1861-1865) et ce second noviciat d’un an que nous nommons troisième Probation (1869) ; vous aurez l’abrégé de sa vie religieuse et vous pourrez compter toutes les étapes de la route obscure et laborieuse par laquelle il gravit jusqu’au sommet de son héroïque et glorieux sacrifice.

Ce grand art de s’effacer, qu’il avait appris au noviciat et dans lequel il était déjà passé maître, ne l’abandonna pas pendant tout ce temps ; et bien que cela n’entamât nullement l’originalité de son caractère, on conçoit cependant que la tâche du biographe, auquel son héros se dérobe tant qu’il peut, en est singulièrement simplifiée.

Qu’on soit tranquille, nous n’inventerons rien pour pallier cette pénurie, et le laconisme qu’elle nous impose est lui-même assez éloquent pour que nous n’ayons nulle envie d’y chercher remède. Au reste, le feu intérieur dont nous l’avons vu embrasé dans ses retraites se fait jour en certaines occasions et jette çà et là de vives clartés. Cela suffit bien pour compléter nos informations dans un sujet où il ne s’agit pas de satisfaire une vaine curiosité, mais de répondre au pieux intérêt qui s’attache à la connaissance intime d’une belle et sainte âme.

Un vénérable religieux, qui fut le guide spirituel de Clerc et le dépositaire des secrets de sa conscience pendant la seule année qu’il passa au collège de Vaugirard, nous fait de lui ce portrait d’après nature, qui reproduit surtout la physionomie intérieure de notre bien-aimé frère : « Le P. Alexis Clerc fut aimé de Dieu et des hommes. Dieu était pour lui un père tendre et miséricordieux, un ami bienveillant et dévoué : il n’avait pas d’autres sentiments de son Dieu. Aussi ses oraisons étaient ordinairement un entretien filial avec Lui, un épanchement d’amour et de reconnaissance. Son bonheur d’aimer Notre-Seigneur et d’en être aimé se reflétait sur son visage et lui donnait une expression de joie douce et sereine. De là aussi sa charité et son zèle pour le prochain. Toute sa vie, comme celle de son divin Maître, se passait à faire du bien. Se dévouer, rendre service, enseigner ses élèves, soulager les malheureux, convertir les pécheurs, faire entrer dans leurs cœurs le repentir et la paix de la conscience, c’était là ses délices. Tous ceux qui le voyaient se sentaient à l’aise et le cœur dilaté ; on l’aimait parce que lui-même aimait beaucoup, car un ardent amour de Dieu avait ajouté un nouvel élan à la bonté naturelle de son cœur et à la franche loyauté de son caractère. »

Ce portrait nous semble de toute vérité ; et en particulier cette puissante attraction que Clerc exerçait sur les âmes, ce don de se faire aimer en aimant beaucoup, le tout pour le plus grand bien spirituel du prochain et la plus grande gloire de Dieu, qu’il ne perdait jamais de vue, nous pouvons dire que c’est là tout lui-même, tel que nous l’avons connu, tel qu’il est resté dans la mémoire de ceux qui ont eu le bonheur de vivre avec lui.

Il va sans dire qu’on ne permit pas à Clerc de continuer dans la vie de collège toutes les mortifications qu’il s’était imposées au noviciat ; il dut renoncer, entre autres, à coucher sur une planche, et on lui prescrivit de ménager davantage ses forces qu’il devait réserver aux études qu’il avait à faire pour son propre compte et aux humbles fonctions dont il était chargé auprès des élèves. Il se compensa par d’autres victoires sur lui-même et traita toujours assez rudement, assez cavalièrement, si j’ose dire, son pauvre corps, dont il avait depuis longtemps fait un esclave.

Le séjour de Vaugirard le rapprochait de sa famille, où il voyait réalisé le plus cher de ses vœux, dans la tendresse vigilante et dévouée dont la vieillesse de son père était entourée. Là, sans doute, la joie n’était pas toujours sans mélange. Selon une belle pensée de saint Chrysostome, Dieu se plaît à mêler dans la vie des justes les biens et les maux, et il en compose ainsi la trame avec une admirable variété [i].

Pendant que Clerc était à Saint-Acheul, il était né à son frère Jules un fils, qu’on avait nommé Alexis comme son oncle, et l’on fondait déjà sur ce petit être les plus douces espérances. Mais Dieu ne l’avait que prêté ; il le reprit, laissant à peine à celui dont l’enfant aurait perpétué le nom dans la famille le temps de lui sourire une fois ou deux. L’oncle Alexis, qui heureusement avait affaire à des cœurs chrétiens, s’empressa de sécher les larmes que faisait couler la perte de ce cher premier-né :« Mon cher et bon Jules, écrivait-il, je sais combien grande est l’affection des pères, et je compatis à la grande douleur que vous cause la perte de ce bel enfant. Les parents ne mesurent pas leur tendresse aux qualités de leurs enfants ; cependant la perte de ceux qui en possédaient le plus est aussi plus regrettable. J’ai pu juger par moi-même qu’Alexis promettait beaucoup.

« La foi, qui ne nous permet pas de douter du souverain et éternel bonheur déjà possédé par ce cher petit être, est le seul motif de consolation que l’on puisse offrir à ses parents. Puissent vos cœurs y trouver, sinon la consolation entière, au moins quelque adoucissement. »

Qui n’aurait cru que M. Clerc, heureux d’avoir son fils si près de lui, se serait réconcilié avec une vocation qui ne rendait pas leur séparation nécessaire ? Si Alexis eût été capitaine de frégate, les années qu’il passa à Vaugirard ou à Paris, il les aurait probablement employées à courir les mers, à visiter de nouveau l’Afrique, la Chine ou l’Océanie, et qui sait s’il eût jamais revu son père ? Mais non !celui-ci ne pouvait se résoudre à le voir Jésuite, et, cruel contre lui-même, il allait jusqu’à se refuser, lorsqu’elle lui était offerte, la douceur de sa présence. Une lettre d’Alexis à son frère nous révèle cette douloureuse situation. Voici ce qu’il lui écrit de Vaugirard le 29 décembre 1856 :« Mon bon Jules, veux-tu demander à notre père s’il me permettra de l’embrasser le premier de l’an et, dans ce cas, me dire l’heure où il serait le plus commode que j’allasse vous voir ? Et aussi, au cas où la demande aurait une fâcheuse réponse, ne laisse pas de me dire ce que tu comptes faire dans la journée, afin que, si cela se peut, je te rende mes petits devoirs de cadet… »

Avançons de quelques années, pour vider ce calice jusqu’à la lie.

Ordonné prêtre dans le courant de septembre 1859, le P. Clerc allait célébrer sa première messe le 26 de ce mois, dans la chapelle publique de l’école Sainte-Geneviève. Il écrit à son père une lettre dictée p.ar la foi la plus vive, mais où éclate en 1 même temps sa tendresse filiale.

« Je te prie bien instamment, mon cher père, de ne pas manquer, afin que vous soyez tous réunis au pied de l’autel où j’aurai l’incompréhensible honneur d’offrir à Dieu tout-puissant son Fils unique, Dieu tout-puissant, oblation infiniment agréable au Père et source de toutes les grâces qu’il répand sur les hommes ; d’immoler la Victime qui satisfait pour les péchés du monde, de renouveler le sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ au calvaire. C’est Lui qui est la réconciliation de Dieu avec les pécheurs. Il n’est aucune dette, aucune offense que Dieu ne remette à celui qui lui présente en satisfaction et en réparation le sang de Jésus-Christ, qui s’est fait notre caution. Pourrais-tu détourner les yeux de la preuve si bien faite pour te toucher qu’il r t’en offre, puisque c’est en ton fils qu’il fait éclater l la munificence de ses pardons ? Ne voudrais-tu pas f voir l’honneur insigne auquel il m’élève ? Après • m’avoir tiré de la honte et de l’abaissement du péché, il me place parmi les princes de son peuple. Dieu est plus jaloux, plus glorieux de sa miséricorde que de ses autres attributs ; il veut te faire voir qu’il mesure ses grâces à nos besoins.

« Viens adorer entre mes mains Notre-Seigneur Jésus-Christ ; le bon Jésus, après avoir épuisé son sang à souffrir pour nous, n’a pu satisfaire à son amour qu’en se donnant à nous d’une manière aussi parfaite que merveilleuse dans la sainte Eucharistie.

« Viens, mon cher père, recevoir la première bénédiction de mes mains ; viens témoigner de la grandeur, de la majesté de la religion qui, sans l’abaisser, fait bénir le père par le fils.

« C’est pour moi un besoin et un devoir de reconnaissance et d’amour de te convier à ces joies du ciel, de te communiquer les prémices des grâces et des bénédictions que Dieu veut répandre par mes mains. Puisses-tu en être un jour comblé !

« Je te conjure encore une fois, mon cher père, de donner à cette fête auguste et solennelle le complément, nécessaire à mon cœur, de ta présence. »

M. Clerc fut ému, sans doute, en lisant ces paroles pleines d’une émotion partie des plus intimes profondeurs d’une âme qui n’avait pas cessé de lui être chère. Cependant il tint bon et résista aux mouvements de son propre cœur. Il n’assista pas à la première messe de son fils.

Clerc n’était plus à Paris, mais dans notre maison de Laval, où il faisait alors sa théologie, lorsque arriva la mort de son père, le 30 décembre 1863. Le vieillard, qui baissait insensiblement, sans pourtant avoir rien changé à ses habitudes, s’était éteint sans crise, sans agonie, hors de la présence de ses enfants et d’une manière si inopinée qu’aucun prêtre ne l’avait assisté à sa dernière heure. La douleur d’Alexis fut muette ; il y avait longtemps que la mesure était comble et que son âme n’osait s’ouvrir à l’espérance. Il ne put se défendre de réflexions douloureuses sur les causes, malheureusement trop communes, qui avaient tenu les yeux de son respectable père fermés à la lumière du christianisme. Plus tard, sans doute, ce qu’il apprit de la bouche de son frère put tempérer la cruelle amertume des premiers regrets. M. Clerc n’avait persévéré qu’en apparence dans son insensibilité à l’égard des vérités de la foi ; à la longue, et sous l’influence des pieux exemples de la famille, ce fier courage s’était amolli et, sur ses derniers jours, il priait, on l’entendait réciter avec onction et d’un ton pénétré, en insistant sur chaque demande, l’Oraison dominicale. Comment croire que la grâce, sans laquelle il est impossible d’invoquer le Seigneur Jésus, fût étrangère à ces sentiments si voisins de l’aveu et du repentir qui appellent le pardon ?

A l’occasion d’une mort encore plus soudaine et bien autrement alarmante [ii], le P. de Ravignan n’avait-il pas dit :« Nous ne saurions pénétrer les secrets de la divine miséricorde ; nous ne pouvons savoir ni affirmer ce qui se passe dans les derniers instants d’une agonie cruelle et mystérieuse ; mais, chrétiens, placés sous la loi de l’espérance non moins que de la foi et de l’amour, nous devons nous élever sans cesse, du fond de nos peines, jusqu’à la pensée de la bonté infinie du Sauveur. Aucune borne, aucune impossibilité n’est placée ici-bas entre la grâce et l’âme, tant qu’il reste un souffle de vie. Nous connaîtrons un jour ces ineffables merveilles de la miséricorde divine ; il ne faut jamais cesser de l’implorer avec une profonde confiance. »

Clerc dut trouver dans ces paroles de son saint ami des motifs de consolation et d’espérance. Nous en avons d’autres aujourd’hui, nous qui savons ce que Dieu lui réservait à lui-même. Devant le tribunal de ce grand Dieu à qui toutes choses sont éternellement présentes et qui appelle ce qui n’est pas encore comme ce qui est, le sang du fils criait déjà miséricorde pour le père.

Le ier janvier de l’année suivante, après avoir offert le saint sacrifice pour l’âme de son pauvre père, Alexis, adressant ses souhaits à son frère et à sa belle-sœur, leur exprimait la reconnaissance dont il se sentait pénétré pour les soins affectueux qu’ils avaient prodigués au vieillard pendant ses derniers jours, et pour les sacrifices qu’ils avaient dû faire à son humeur, à ses goûts et plus encore à ses opinions. « Que Dieu récompense, disait-il en parlant de sa belle-sœur, la grande douceur qu’elle n’a cessé de montrer depuis qu’elle est entrée dans notre famille. Je crois que ses enfants, source d’un bonheur si doux, sont le gage assuré que Dieu a accepté tant de concessions faites à l’amour de la paix. Eh bien donc !

Princesse en qui le Ciel mit un esprit si doux, élevez ces chers petits trésors, [b]

« douce et frêle espérance, » dans l’amour de Jésus-Christ et de la sainte Vierge. Si nous n’avions pas, votre mari et moi, appris sur les genoux d’une femme bien douce aussi et bien chrétienne la vérité de la foi, la grâce de Dieu, après des années d’oubli, eût peut-être en vain frappé à la porte de notre cœur, et vous n’auriez pas aujourd’hui auprès du vôtre, ce cœur droit, loyal, pur, fort que vous savez connaître et aimer. »

Revenons maintenant sur nos pas. Nous n’avons pas voulu séparer ces pages qui nous montrent dans Alexis le bon fils et le bon frère ; mais elles sont postérieures en date au point où nous avons laissé sa biographie, c’est-à-dire à l’année scolaire 1856-1857, qu’il passa tout entière au collège de Vaugirard.

L’année suivante, nommé professeur de mathématiques à l’école Sainte-Geneviève, il débutait dans cet enseignement qui devait occuper, presque exclusivement et jusqu’à la fin, ses années actives. Naturellement sa place était marquée là : ses études antérieures comme les aptitudes de son esprit, sa qualité d’ancien élève de l’École Polytechnique, son titre de licencié ès sciences mathématiques, tout le recommandait pour cet emploi, et, en lui en assignant un autre, nos supérieurs auraient paru mal justifier la réputation qu’ils ont de mettre chacun au poste qui lui convient le mieux et qu’il est le plus propre à remplir.

Il est vrai qu’on aurait pu l’envoyer d’abord en théologie ; de la sorte, ayant à suivre un cours de quatre ans, il aurait passé ses derniers examens aux environs de quarante et un ans, âge assez respectable et peu accoutumé à se voir sur les bancs. Mais l’école Sainte-Geneviève, nouvellement fondée, réclamait des professeurs, et il va de soi que, dans ces commencements, on n’avait pas l’embarras du choix. Plusieurs de ceux qui devaient y réussir avaient besoin de préparation ; Clerc était tout préparé et bon à prendre ; on le prit, sans lui demander si une autre destination ne lui serait pas plus agréable. D’autres que lui firent le même sacrifice, et le firent avec joie. C’est l’honneur et la force de notre Institut qu’en pareil cas les intérêts particuliers s’effacent devant l’intérêt supérieur de la gloire de Dieu.

Quand on vit s’ouvrir bien modestement, dans notre maison de la rue Lhomond (ancienne rue des Postes), cette école préparatoire, aujourd’hui florissante et même célèbre, il ne manqua pas de gens pour nous avertir que nous allions à un échec certain. On ajoutait que si nous avions réussi dans nos collèges à faire des bacheliers ès lettres, nous serions peut-être moins heureux dans l’enseignement des sciences et que, dans tous les cas, la lutte serait vive. A vrai dire, l’entreprise était hardie et tant soit peu hasardeuse. Les établissements analogues, auxquels il fallait tenir tête, avaient pour eux (quelques-uns du moins) un demi-siècle d’existence et de succès, l’opinion, l’expérience acquise, la richesse et un nombreux personnel parfaitement aguerri, tandis que nous n’avions rien de tout cela. Cependant ces obstacles ont été surmontés, et même le succès ne s’est pas fait longtemps attendre. Par quels moyens les nouveaux venus se sont-ils fait une assez belle place à côté de leurs redoutables concurrents ? Par le dévouement, par un dévouement tel que tous les mobiles humains n’en sauraient inspirer de semblable. Sacrifier son temps et ses goûts, sa santé, ses forces et la sève de sa jeunesse, sans compensation possible en ce monde, voilà ce que des religieux ont pu faire par la grâce de leur vocation, ce que Dieu a béni, et nous en voyons aujourd’hui les fruits. Il ne s’agit pas seulement du résultat des examens, des élèves admis à l’École polytechnique, à Saint-Cyr, aux écoles navale, centrale, forestière, etc. ; ils se comptent maintenant par cent et par mille, ils remplissent les armées de terre et de mer, sans parler des carrières civiles où ils ne tiennent pas le dernier rang. Mais nos dernières guerres, dans leurs sanglantes journées, ont fait éclater en eux des mérites bien autrement précieux à la patrie que le savoir professionnel ou la haute culture de l’esprit. Une centaine de ces nobles jeunes gens, tués à l’ennemi et tombés les armes à la main, sont la digne couronne de maîtres qui, eux aussi, ont su verser leur sang pour une cause non moins belle ou plutôt pour la même cause, maîtres et élèves n’ayant qu’un cri et qu’une devise : Dieu et patrie [iii] !

Là, Clerc rencontra parmi ses nouveaux collègues, alors simple surveillant, le P. Léon Ducoudray, qui devint plus tard son supérieur, et dont il fut le compagnon jusque dans la mort. Comme ils étaient faits pour se comprendre ! Avec une ardeur plus contenue et moins prompte à s’enflammer, c’était, chez ce dernier, même abnégation, même générosité active et joyeuse, même dévouement à l’œuvre commune. Moins extraordinaire à certains égards, sa vocation lui avait cependant coûté plus d’un sacrifice. Docteur en droit, fort bien né, possesseur d’une belle fortune, doué de nobles facultés rehaussées par la parfaite distinction de sa personne et de ses manières, il aurait pu prétendre à tout dans le monde et dans les régions élevées de la vie publique, où il serait entré de plain-pied. Il aima mieux vivre pauvre et obscur pour l’amour de Jésus-Christ, et, à vingt-cinq ans, il quittait tout, son brillant avenir et une admirable mère, justement fière d’un tel fils, pour entrer dans la Compagnie de Jésus. Les supérieurs ne furent pas longtemps à s’apercevoir de son mérite, mais ils ne se hâtèrent pas de le mettre sur le pinacle. Après deux années de noviciat, après une autre année consacrée à l’étude de la philosophie et à la préparation d’un examen, ils lui assignèrent ces humbles mais importantes fonctions de surveillant, trop semblables à celles que Dieu confie à ses anges pour qu’un vrai religieux puisse les dédaigner. Il y déploya une rare maturité et un remarquable coup d’œil. C’était, a dit quelqu’un qui l’a bien connu, « un surveillant de grande attitude. » Je le crois bien ! Comme il marchait en la présence de Dieu, il possédait son âme dans la paix et une certaine dignité calme ne l’abandonnait jamais. Aussi personne ne s’étonna, quand, jeune encore, sa théologie terminée, il fut nommé recteur. Il était de toute manière à la hauteur de sa position, et mis aux prises avec des difficultés peu communes, qui auraient déconcerté une âme moins vaillante, il en triompha par sa sublime abnégation et la grandeur de sa foi. Clerc connut aussi à l’école Sainte-Geneviève le P. Caubert, qui, dans la sinistre journée du 26 mai 1871, accompagnait au dernier combat le P. Olivaint et le P. de Bengy, et tombait avec eux sous la fusillade de la rue Haxo. Aujourd’hui une même sépulture les réunit tous et ils reposent glorieusement ensemble au pied de l’autel des Martyrs.

On le voit donc, le futur martyr de la Roquette se trouvait là dans son élément, en compagnie d’âmes de même trempe, de même qualité que la sienne ; et il expérimenta qu’il ne s’était pas trompé, lorsque, fuyant le monde et redoutant pour sa faiblesse la contagion de ses vices, il s’était dit le jour de son élection :« La vie commune religieuse vous porte presque sans que vous le sentiez, aux vertus opposées, et vous encourage à toutes les autres par le bon exemple. »

On peut résumer en deux mots les huit années qu’il passa à l’école Sainte-Geneviève : il s’effaça de plus en plus, et il se dévoua sans réserve. Avant comme après sa théologie, chargé d’un cours de second ou de troisième ordre, il ne brilla pas plus que d’autres dont les connaissances n’étaient, à beaucoup près, ni aussi étendues ni aussi relevées que les siennes. Un de ses supérieurs, comme lui élève de l’École polytechnique, trouvait son cours presque trop savant. Au point de vue tout pratique de la préparation des examens, ce n’est point un éloge.

Peut-être aussi son esprit essentiellement alerte et primesautier avait-il quelque peine à régler sa marche de manière à ce qu’il fût facile à tous de le suivre. Il compensait ce défaut par une complaisance à toute épreuve qui mettait ses élèves parfaitement à l’aise, et leur permettait de lui demander, à temps et à contre-temps, toutes les explications désirables. Quelques lignes de sa main nous montrent dans quel esprit vraiment surnaturel, avec quel détachement de lui-même et quel humble acquiescement à la volonté de Dieu, il acceptait dans sa plénitude, si contraire à la nature et si ingrate qu’elle pût être, la tâche que lui imposait l’obéissance dans les fonctions assez diverses qu’il avait à remplir auprès des élèves.

« L’emploi que j’ai reçu avec indifférence me paraît le plus désirable qu’on puisse avoir dans la maison.

« Enseigner les sciences utiles à la carrière temporelle des enfants.

« Enseigner les vérités de la religion, et enfin enseigner la vertu.

« Il me faut, pour le premier et le second point, du travail ; il me faut pour le troisième, être très-uni avec Jésus-Christ. Je veux m’y efforcer et j’expliquerai la vie de Notre-Seigneur à la Congrégation.

« Mes instructions" seront moins sous forme de thèses, plus sous forme de conférence.

« Je veux être comme le bâton par rapport aux corvées. »

Ainsi le P. Clerc, alors prêtre, était cette année-là ; 1° professeur de mathématiques (enseigner les sciences utiles à la carrière temporelle des enfants) ; 2° chargé d’un catéchisme (enseigner les vérités de la religion) ; 3° directeur d’une congrégation, et c’était là principalement qu’il avait à enseigner la vertu. En outre, il était requis pour certaines corvées, qui ne lui appartenaient à aucun de ces trois titres et dont l’énumération complète est impossible, attendu qu’elles se composaient surtout d’accidentel et d’imprévu. Conduire les élèves à la promenade, pas toujours, bien entendu, par le plus beau temps du monde ; les accompagner, les jours de sortie, aux gares des chemins de fer ; surveiller, à l’heure de la rentrée, les parloirs, les cours et les corridors, etc., etc. ; tout cela n’a rien à démêler avec l’enseignement des mathématiques et ce n’est pas aux honorables professeurs de nos lycées qu’il faudrait s’adresser pour l’accomplissement de pareille besogne. Ils se retranchent dans leur classe, comme c’est leur droit : suum cuique. Plût à Dieu seulement que cette surveillance de tous les instants, où la bonne tenue et la moralité des élèves sont intéressées au plus haut point, ne fût pas abandonnée à des auxiliaires d’ordre subalterne, dépourvus d’autorité comme de dignité personnelle et incapables d’inspirer à la jeunesse le respect qu’ils n’ont pas toujours pour eux-mêmes ! C’est là, on en convient, une des grandes plaies de l’éducation laïque, et l’on en cherchera vainement le remède en dehors des sentiments que la foi met au cœur du religieux et du prêtre. Avec le zèle des âmes et l’obéissance religieuse, tout devient facile, et ce qui partout ailleurs était réputé petit et méprisable s’ennoblit par l’élévation du but et la grandeur du résultat. Ah !sans doute, humainement parlant, c’est un assez triste métier de conduire une escouade d’adolescents en promenade, surtout à travers les rues et les boulevards de Paris, où l’on peut redouter pour eux de fâcheux contacts et des éclaboussures de plus d’une sorte. Mais on ne s’est pas fait religieux, ni en particulier Jésuite, pour se donner du bon temps, et si l’on a la sainte passion de glorifier Dieu et de sauver les âmes en se mortifiant, on en trouvera là le moyen avec toutes les chances du monde d’échapper aux assauts de la vaine gloire et aux surprises de l’amour-propre. S’il en coûte un peu, — et il en coûtera quelquefois beaucoup à la nature, — au moins ce n’est pas peine perdue, et le résultat est immanquable à la longue. Malgré la légèreté de leur âge, les jeunes gens comprennent d’instinct que si un homme de mérite, après tant d’autres sacrifices, renonce en leur faveur à son repos et à ses aises, c’est qu’il attend beaucoup d’eux, et, touchés d’un tel dévouement, ils travaillent à s’en rendre dignes. C’est pour eux la semence des meilleurs sentiments, et tels vous diront qu’ils ont été gagnés par là, sans trop savoir comment, au devoir et à la vertu. Jamais, du haut de sa chaire, où il fait pourtant preuve de science, de talent et de zèle, le professeur le plus accompli n’eût remporté sur eux pareille victoire. Mais ils ont vu ce même professeur descendre jusqu’à eux, entrer pour ainsi dire dans le tous les jours de leur vie d’écoliers, se mêler peut-être à leurs jeux, se prodiguer du matin au soir en se faisant tout à tous ; alors tout est dit, ils savent à quel ami véritable et sûr ils ont affaire, et il leur sera bien difficile de résister à ses instances lorsqu’il leur demandera pour toute récompense de faire leur devoir en conscience et de songer tout de bon à devenir, non pas seulement de braves gens, mais des gens de cœur, mais de vrais et solides chrétiens.

Voilà quelle est l’importance capitale de ces humbles et fatigantes corvées dans une maison d’éducation chrétienne. Saint Ignace avait dit que le religieux obéissant était comme un bâton dans la main d’un vieillard. Le P. Clerc, se faisant à lui-même l’application la plus méritoire, veut être comme un bâton pour les corvées. Ceux qui l’ont vu à l’œuvre diront qu’il s’en acquittait de la meilleure grâce du monde. Aussi était-il universellement chéri et respecté de ses élèves.

S’il y allait de si grand cœur lorsqu’il ne s’agissait que de discipline extérieure, qu’était-ce donc dans son catéchisme, dans sa congrégation, où il enseignait non plus les mathématiques, mais la vertu et la religion ?

Sa congrégation se composait des futurs élèves de l’École polytechnique ; c’était la tête, l’élite de l’école Sainte-Geneviève, et comme ces jeunes gens joignaient en général la distinction du talent à l’autorité de la vertu et du caractère, leur exemple était très-puissant dans la maison et il dépendait d’eux en quelque sorte d’entraîner à leur suite dans la bonne voie le reste de leurs camarades. Le P. Clerc s’appliquait à fortifier leur foi, à la prémunir contre les dangers qui allaient bientôt l’assaillir, à leur inspirer une piété sincère, virile et généreuse, une tendre dévotion envers Jésus-Christ et sa sainte Mère, et à mettre ainsi sous la garde de la Vierge Immaculée tous les trésors que promet à la maturité de l’âge la pureté d’un cœur de vingt ans. Aussi ses congréganistes le vénéraient-ils comme un saint, et ils le chérissaient comme le meilleur des pères. « Il y mettait tout son cœur, » a dit le R. P. de Ponlevoy, qui, visitant l’école Sainte-Geneviève en qualité de Provincial, avait particulièrement l’œil ouvert sur tout ce qui tenait au service de Dieu et ne pouvait être indifférent à un spectacle si consolant pour sa foi. « J’ai assisté plusieurs fois, ajoutait-il, à ces réunions pour les présider. On ne saurait dire la jubilation qui respirait dans la personne du P. Clerc au milieu de tous ses enfants. »

Ses enfants !c’est bien le mot, et ce que nous verrons des rapports affectueux qui se liaient entre eux et lui et se poursuivaient, toujours intimes et confiants, longtemps après leur entrée dans le monde, nous attestera combien son action était profonde sur les cœurs qu’avait une fois touchés la flamme de sa charité et de son zèle.

Quelques mots ici sur les quatre années que le P. Clerc consacra à l’étude de la théologie dogmatique (1861-1865) et qu’il passa au scolasticat de Laval, où l’on a gardé de lui bon souvenir.

Il se remit donc sur les bancs à quarante et un ans, et cela, on peut le croire, de fort grand cœur, heureux d’obéir à ses supérieurs, et heureux aussi, au delà de toute expression, de retrouver son saint Thomas et d’avoir avec lui de longs et studieux entretiens. Que dis-je saint Thomas ? C’était toute l’école qui venait à lui et il l’accueillait de fort bonne grâce. Tantôt Suarez, et tantôt Tolet ou Fonseca — ses cahiers en font foi — occupaient tour à tour ses doctes loisirs et il s’abandonnait sans contrainte au penchant qu’il avait toujours éprouvé pour la scolastique. ‘Il faut noter ceci comme un trait de sa physionomie, et ce n’est pas le moins attachant. En toutes choses il avait, si j’ose dire, horreur du quod justum et il inclinait à tout ce qu’il jugeait non-seulement utile, d’une utilité pratique et immédiate, mais encore noblement surérogatoire ; et comme il avait mis un certain luxe dans l’usage des mortifications corporelles, il en mit aussi dans ses études ; suivant toujours cette généreuse impulsion que nous avons remarquée en lui dès le noviciat et persuadé qu’il ne faut rien de médiocre au service de Dieu.

L’étude ne fut pas sa seule occupation. Il était prêtre ; il exerça soit à Laval, soit dans les villes voisines, quelques-unes des fonctions du ministère évangélique, et donna même des missions dans les campagnes. Mais c’est surtout à la jeunesse ouvrière de la ville qu’il consacra les prémices de son zèle ; et voici ce que nous écrit à ce sujet un ami qui, se trouvant à Laval, a bien voulu interroger à notre intention des souvenirs encore tout vivants et nous transmettre les renseignements qu’il a puisés aux meilleures sources :

« Les membres de la conférence de Saint-Vincent de Paul se rappellent encore avec bonheur les débuts du P. Clerc comme catéchiste des apprentis. Ses instructions étaient solides et parfaitement appropriées à son auditoire ; il savait surtout le captiver par des récits pleins d’intérêt. Aussi les enfants aimaient-ils à l’entendre, et plusieurs ont avoué depuis qu’ils ont trouvé dans ses conseils un puissant secours.

« Une autre œuvre plus importante, à laquelle il fut consacré par ses supérieurs, ne lui permit pas de continuer. Je veux parler de l’œuvre de Beauregard. Arracher les jeunes gens aux plaisirs dangereux de la ville, en leur procurant d’innocents délassements, telle est la pensée qui a présidé à la fondation de cette institution charitable. Les dimanches et jours de fête, de jeunes ouvriers se réunissent dans une maison agréablement située. Ils y assistent à la messe et aux vêpres, se reposent au milieu de joyeux compagnons des fatigues de la semaine, et le soir rentrent au sein de leurs familles. Ils se font généralement remarquer par des habitudes paisibles et par l’assiduité au travail. Quelle différence avec ces pauvres ouvriers qui usent leurs forces dans la débauche et ne reprennent que péniblement le travail interrompu !

« Le P. Clerc ne tarda pas à se faire aimer de tous, du président et des enfants. Il se mêlait à tous les jeux, afin de mettre de l’entrain par son exemple. Son habileté était proverbiale ; il provoquait les plus forts et se laissait souvent battre pour procurer à ses antagonistes l’honneur et le plaisir de la victoire. Quand le mauvais temps ne permettait pas à cette bruyante jeunesse de prendre ses ébats dans la prairie, le P. Clerc était le centre autour duquel on se rassemblait et alors commençait un récit palpitant d’intérêt, un interminable récit dont l’intrigue se compliquait plus ou moins, selon la durée du mauvais temps. Tous écoutaient avec la plus grande attention, et souvent même, malgré le retour du beau temps, le narrateur cédait à la douce violence qui lui était faite et menait à bonne fin l’histoire commencée.

« S’agissait-il d’une mesure d’administration, son avis était généralement adopté comme le meilleur. Fallait-il employer la rigueur contre un esprit indiscipliné ? le P. Clerc intercédait pour le coupable : son cœur était si miséricordieux ! Un enfant avait-il mérité d’être renvoyé ? le Père n’y consentait qu’avec peine ; il voulait qu’on attendît, car, pour lui, c’était une âme de plus qui allait se perdre. »

Nous le savons d’ailleurs, et par une source également très-sûre, le zèle qu’il déploya dans cette œuvre, à la poursuite des âmes, eut souvent les plus doux et les plus consolants résultats. Son aimable enjouement lui avait gagné tous les cœurs, mais son influence était grande surtout sur ceux de ces jeunes gens qui approchaient de l’âge mûr, et quelques-uns, dociles à ses conseils, firent de remarquables progrès dans la vertu. L’un d’entre eux, à vingt-six ans, commença ses études classiques afin d’entrer dans les saints ordres. Quelle ne fut pas l’ardeur du P. Clerc à seconder son dessein ! Que de démarches ! Que de fatigues ! Il ne fut content qu’après lui avoir procuré, autant qu’il était en lui, les secours nécessaires pour faire ses études et pour suppléer le salaire de ses journées.

Ainsi, dans la mesure du possible et sans laisser refroidir son zèle pour la théologie, le P. Clerc, pendant son séjour à Laval, consacrait ses plus doux loisirs à la pratique de cette ingénieuse et active charité dont il connaissait depuis longtemps tous les secrets et qui avait fait dire de lui, à Indret, alors qu’il était encore officier de marine, qu’il valait à lui seul toute une conférence de Saint-Vincent de Paul.

Et maintenant, qu’on nous permette une réflexion en terminant ce chapitre, l’un des plus courts de cette biographie où nous avons par-dessus tout à cœur d’être véridique.

Voilà donc, rassemblé en fort peu de pages, tout ce que nous avons pu recueillir d’intéressant sur cette partie considérable de la vie religieuse de notre bien-aimé frère, comprise entre la fin de son noviciat et le commencement de sa troisième Probation : c’est-à-dire sur treize années pleines, dont il passa une à Vaugirard, huit à l’école Sainte-Geneviève et les quatre autres à Laval. Assurément, au point de vue purement humain, c’est fort peu de chose, et l’on nous reprochera peut-être d’avoir encore, dans notre brièveté, trop insisté sur certains détails. Cependant l’auteur de l’Imitation nous dit en propres termes : « Ce n’est pas peu de chose que de demeurer dans les monastères ou dans une congrégation, d’y vivre avec ses frères sans reproche et d’y persévérer avec fidélité jusqu’à la mort [iv] » Mais quand la mort qui couronne une si sainte vie est celle d’un martyr, que vous en semble ? Ne vaut-il pas la peine alors de s’enquérir des mérites cachés ou peu éclatants auxquels Dieu réservait dans sa sagesse l’incomparable honneur de cette suprême victoire ?

C’est pourquoi, ayant à dérouler ces treize années de vie religieuse, où le jour succède au jour sans changer le cours des occupations ni varier l’emploi des heures, nous n’avons pas cru devoir, pour complaire aux goûts du monde, omettre des faits petits et vulgaires en apparence, mais où un œil exercé saura discerner, à la lumière de la foi, le grand caractère d’une vertu à l’épreuve des plus rudes combats et à la hauteur de tous les sacrifices.

 

 



[i]Tum de adversis, tum ex prosperis, justorum vitam quasi admirabili varietate contexit. [a]

[ii]Celle du duc d’Orléans, fils aîné du roi Louis-Philippe. Voyez la Vie du R. P. de Ravignan, par le P. A. de Ponlevoy ; Paris, 1860, t. I, p. 244.

[iii]Voyez : Souvenirs de l’École Sainte-Geneviève. Notices sur les élèves tués à l’ennemi ; par le R. P. Chauveau, de la Compagnie de Jésus ; 3 vol. in-i8.

[iv]Non est parvum in monasteriis vel in congregatione habitare, et ibi sine querela conversari, et usque ad mortem fidelis perseverare. Imit., 1. i, cap. xvii.


Notes additionnelles :

[a] In Jean Racine, Athalie, Acte iii, scène iv

[b] « Il ne les laisse pas toujours ni dans les périls ni dans la sécurité, mais il fait de la suite de leur vie comme un tissu et une chaîne admirable de biens et de maux. », Saint Jean Chrysostome, Matthieu, 2, 11-16, Homélie 8.

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