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12/07/2015

Emouvantes reliques

Nous venons d'apprendre qu'un lot de reliques des martyrs de la Commune a été mis en vente en Juin 2010.

A titre d'information nous reproduisons l'extrait du Catalogue concernant ce lot :

Émouvantes reliques des religieux martyrs de la Commune. 1871

Description

Reliques.jpg

 

Émouvantes reliques des religieux martyrs de la Comune. 1871.

Grand carton relié demi-cuir, couverture en chagrin marquée « Reliques des martyrs de la Commune. 1871 » (traces de dorure). 55 x 37 cm

Il contient 44 grands feuillets cartonnés (44x34cm), présentant les reliques des prêtres exécutés durant la Commune de Paris, avec pour chacun, une photographie, un autographe, ainsi qu'un morceau de vêtement (soutane, chapeau ou gilet) souvent porté lors de l'exécution, le tout finement cousu.

Sont présentées les reliques de :

- L'abbé Allard, prêtre libre, aumônier d'ambulance : photographie, divers papiers lui ayant appartenus, autographes, fragment du chapeau porté lors de son exécution, allocution de l'abbé Allard, cousin du martyr, le 10 janvier 1872.

- L'abbé Bécourt, curé de Bonne Nouvelle : photographie, morceau de vêtement qu'il portait lors de son exécution, morceau de soutane, fin de son dernier sermon autographe.

- Le Père de Bengy, de la Compagnie de Jésus : photographie, morceaux de gilet de flanelle et de gilet teinté de sang, autographe.

- Le Président Bonjean, premier Président de la Cour d'appel de Paris : gravure, bout de papier percé de balles, teinté de sang, trouvé sur son cœur, autographes.

- Le Père Bourard, dominicain à Arcueil : photographie, morceau de gilet de flanelle, deux grains de chapelet, morceau de discipline, autographe.

- Le Père Captier, dominicain à Arcueil : photographie, morceau de soutane, autographe et illustration du massacre des dominicains d'Arcueil.

- Le Père Caubert, de la Compagnie de Jésus : photographie, morceau de gilet de flanelle, autographe.

- Le Père Chatagneret, dominicain à Arcueil : photographie, morceau de soutane et autographe.

- Le Père Clerc, de la Compagnie de Jésus : photographie, morceaux de mouchoirs teints de sang et de gilet de flanelle, autographe.

- Le Père Cotrault, dominicain à Arcueil : photographie, morceau de soutane et autographe.

- Monseigneur Darboy, évêque de Paris : photographie, morceaux de soutane, pardessus et de gilet teinté de sang, chemise percée de balles. L'ensemble scellé à la cire rouge de son sceau.

- L'abbé Deguerry, curé de la Madeleine : photographie, morceau de gilet teinté de sang, dernier billet autographe, morceau de soutane.

- Le Père Delborne, dominicain à Arcueil : photographie, morceau de soutane et autographe.

- Le Père Ducoudray, de la Compagnie de Jésus : photographie, morceaux de vêtement, autographes.

- Monsieur Guérin, otage de la Commune, scapulaire et autographe.

- L'abbé Houillon, prêtre de la congrégation des Missions étrangères : photographie, morceau de son mouchoir, autographes et sa calotte.

- Frère Néomède Justin : photographie, morceaux de robe et de manteau.

- L'abbé Olivaint, de la Compagnie de Jésus : photographie, morceaux de gilet de flanelle et de gilet teinté de sang, autographe.

- L'abbé Planchat, aumônier du Patronage de Sainte Anne, à Charonne : photographie, morceau du vêtement porté lors de son exécution.

- Le Père Radigue de la congrégation des S.C de Jésus et de Marie : photographie, morceau de vêtement et autographe.

- Le Père Rouchouse de la congrégation des S.C de Jésus et de Marie : photographie, morceau de soutane et autographe.

- L'abbé Sabatier, deuxième vicaire de Notre Dame de Lorette : photographie, morceau de vêtement porté lors de son exécution, autographes.

- L'abbé Seigneuret, séminariste de Saint Sulpice : photographie, morceau de vêtement et autographe.

- Monseigneur Surat, vicaire général de Paris : photographie, bout de vêtement, barrette, gravures, lettres et autographes.

- Le Père Tardieu de la congrégation des S.C de Jésus et de Marie : photographie, morceau de soutane et autographe.

- Le Père Tufier de la congrégation des S.C de Jésus et de Marie : photographie, morceau de soutane et autographe.

L'ensemble a été réuni par l'abbé Crétineau Joly, chaque pièce a été certifiée par des proches de chaque martyr et les feuillets sont tous revêtus du cachet des paroisses de Saint Germain des Prés, de La Madeleine ou de Notre Dame de Lorette. La correspondance de l'abbé avec les personnes ayant transmis les souvenirs, ainsi que des photomontages d'époque des différentes exécutions sont jointes à l'ensemble.

Historique :

Le 24 mai 1871, durant la “Semaine sanglante” , qui voit l'écrasement de la Commune de Paris par les troupes versaillaises, Monseigneur Georges Darboy, archevêque de Paris, l'abbé Gaspard Deguerry, curé de la Madeleine et célèbre prédicateur, trois pères jésuites et Louis-Bernard Bonjean, président de la Cour d'appel de Paris, qui avaient été faits prisonniers et retenus comme « otages du peuple de Paris », sont passés par les armes dans une cour de la prison de la Grande-Roquette. Différentes propositions d'échanges, notamment contre Blanqui, avaient été faites aux autorités versaillaises, en vain.

 

Les Pères dominicains, des professeurs et des domestiques du collège Albert le Grand d'Arcueil sont tués par balle, en pleine rue, le 25 Mai 1871 par les fédérés. Le 26 Mai, 5 ecclésiastiques et des gardes nationaux sont exécutés Rue Haxo. Enfin le 27 Mai, Monseigneur Surat et l'abbé Bécourt, bien que libérés de la Prison de la Roquette, sont pris à partie et tués en pleine rue.

 

22/11/2014

Le jubilé d’un holocauste 1871 - 1921

Trouvé sur Gallica, l'inépuisable source de documents, cet hommage paru en 1921, à l'occasion du jubilé de la Commune.
La proximité des événements se ressent dans le ton de l'article mais nous le livrons comme tel, à titre de document historique. Le lecteur saura prendre la distance nécessaire. 


nb: la photo ne figure pas dans l'article d'origine.

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Revue ETUDES. 58e année – tome 167e de la collection – 5 mai 1921

 

CHRONIQUE DU MOUVEMENT RELIGIEUX

 

LE JUBILÉ D’UN HOLOCAUSTE

LES OTAGES DE LA COMMUNE (24-27 MAI 1871)

————

 

I

Les journées du 22 au 28 mai 187 comptent parmi les plus sanglantes et les plus tragiques de la trop longue histoire de nos discordes sociales et de nos révolutions.

Souveraine maîtresse de Paris insurgé, depuis le 18 mars, la Commune achève sa hideuse agonie de bacchante par le massacre et par l’incendie, tandis que l’armée de la France, sous le regard narquois des états-majors prussiens, doit reconquérir laborieusement la capitale, quartier par quartier, rue par rue, monument par monument. Pour projeter un pur rayon de grandeur morale sur cet effroyable drame de guerre civile et religieuse, dont nous allons revivre le cinquantième anniversaire, il faudra l’héroïsme sublime des élus de Dieu et l’holocauste des martyrs.

L’armée à laquelle est dévolue la redoutable mission de rétablir l’ordre légal par la force des baïonnettes est commandée par le maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta. C’est le 21 mai, au petit jour, que les troupes du maréchal ont pénétré par surprise dans l’enceinte de Paris, à la barrière de Saint-Cloud, puis se sont emparées du château de la Muette et du Trocadéro, qui étaient devenus des forteresses puissamment armées pour la défense.

Voici quelles seront maintenant les étapes de la conquête de Paris. Le 22 mai, prise du rond-point de l’Étoile, de la gare Saint-Lazare, sur la rive droite ; du Champ de Mars et de l’École militaire, sur la rive gauche. Le 23 mai, occupation du faubourg Saint-Germain, de la Madeleine, de l’Opéra, encerclement et assaut victorieux des hauteurs de Montmartre. Le 24 mai, on s’empare du Luxembourg et du Panthéon, sur la rive gauche ; et, sur la rive droite, du Palais-Royal, de la Bourse, de la gare du Nord, de la gare de l’Est. Le 25 mai, prise de laButte aux Cailles et de la place d’Italie, puis de la gare d’Austerlitz, de la gare de Lyon et de la prison de Mazas. Le 26, progression laborieuse jusqu’à la place de la Bastille, puis jusqu’à la barrière du Trône. Le 27, on réduit le puissant bastion constitué par les Buttes Chaumont et le cimetière du Père-Lachaise. Enfin, le 28 mai, jour de délivrance, prise de la Roquette, prise de l’église de Belleville, prise de l’hôpital Saint-Louis ; les soldats du général de Ladmirault atteignent le Pré-Saint-Gervais. Le pouvoir insurrectionnel de la Commune révolutionnaire est partout anéanti. Force demeure à la patrie et à la loi.

Mais après combien de catastrophes Cette affreuse bataille de rues avait coûté de 7000 à 8000 tués et blessés aux troupes de Mac-Mahon ; et les pertes des insurgés furent, numériquement, beaucoup plus considérables encore. A partir du 23 mai, jour où l’armée de Versailles atteignait la Madeleine, l’Opéra et Montmartre, commençaient les immenses incendies qui allaient se prolonger et s’étendre jusqu’à la fin de la semaine sanglante. La Commune voulait- s’ensevelir sous les ruines de Paris, sous les ruines de tout ce qui perpétuait l’âme des aïeux, de tout ce qui représentait le culte, la croyance, l’art et la gloire du passé. Il y avait des « savants », des techniciens dévoyés et déclassés qui enseignaient doctement le secret infernal d’incendier avec méthode et succès. Les murailles extérieures et intérieures étaient enduites de pétrole, les grands courants d’air étaient soigneusement provoqués, les plus massifs bâtiments étaient attaqués par leurs recoins ou leurs dépendances les plus vulnérables à l’action dévorante du feu. L’incendie ravagera donc la grande chancellerie de la Légion d’honneur, la Cour des comptes et le Conseil d’État, le château des Tuileries, l’Hôtel de Ville, le Palais de Justice. Des bords de la Seine, il gagnera différents autres quartiers de Paris et atteindra le carrefour de la Croix-Rouge.

Notre génération a vu les ruines de la Cour des comptes, et, plus anciennement, les ruines mêmes des Tuileries, encore debout dans leur désolation navrante et grandiose. Mais la génération de nos parents et de nos aînés a contemplé le spectacle terrifiant du gigantesque incendie, qui laissa dans la mémoire de tous les contemporains une impression atroce, un souvenir fantastique.

Les Études ont publié, par exemple, les souvenirs du R. P. Jean Noury, alors supérieur des Jésuites de Versailles. Relisons la scène qu’il rapporte à la date tragique du 24 mai 1871 :

Ce même jour..., nous nous étions rendus, le R. P. provincial [Armand de Ponlevoy] et moi, dans cet endroit du parc de Saint-Cloud qu’on appelait la « lanterne de Diogène », d’autres disaient « de Démosthène ». C’était le point culminant du parc ; on y avait élevé une tour qui, de loin, avait la forme d’une lanterne. De là, Paris offrait un spectacle horrible et grandiose ! L’incendie, allumé dans tous les quartiers de la ville, faisait monter jusqu’au ciel des tourbillons de flammes et de fumée. Beaucoup de personnes étaient réunies à cet endroit, pour tâcher de se rendre compte de ce qui se passait. Mais on devinait difficilement, même avec les plus puissantes lunettes, quels édifices étaient la proie des flammes. On craignait pour Notre-Dame, pour les autres églises, pour la Sainte-Chapelle surtout, qui disparaissait dans un nuage de feu.

Le R. P. de Ponlevoy regarda longtemps en silence, ému et terrifié. « Tel dut être, dit-il, le spectacle qu’offrit la prise de Babylone et de Jérusalem ! C’est d’un grandiose effrayant et d’une horreur toute biblique »...

Après le témoignage d’un vénérable religieux, il faut reproduire celui d’un illustre soldat, le général du Barail, qui écrivait au tome troisième de Mes Souvenirs :

Ce que je vis de la semaine sanglante suffit à me plonger dans un profond sentiment de désespoir et de terreur, et à expliquer les sévérités de la répression. Je vis, du sommet des collines où je circulais avec mes cavaliers, flamber Paris. Le spectacle était horrible et grandiose. Pendant le jour, sous le soleil impassible de mai, c’était une voûte colossale de fumée noire, où tourbillonnaient les cendres des papiers brûlés, et qui s’étendait, comme un dôme de catafalque, sur la capitale pleine de rumeurs des détonations et de cris de rage. Pendant la nuit, le dessous de ce dôme s’illuminait des éclats rouges des fournaises, tandis qu’au-dessus, là-haut, la lune semblait passer, narquoise, sur le cataclysme.

Et je songeais que, pendant que des Français brûlaient Paris, les officiers prussiens regardaient tranquillement, les deux mains sur leur sabre, l’épouvantable complément de leur victoire…

Plus odieux et plus criminel encore que la destruction des monuments de pierre par la Commune révolutionnaire de Paris, fut l’attentat perpétré contre des vies humaines, contre des citoyens désarmés qui comptaient parmi les plus nobles, les plus bienfaisants et les meilleurs. C’est la cause de l’ordre social, c’est la sainteté même de la religion, que voulurent frapper en leur personne les misérables qui les assassinèrent. Nous sommes en présence du suprême forfait de la Commune le massacre monstrueux des otages.

Parmi ceux-ci, on distingue des laïques et des prêtres. Les laïques, au nombre de quarante-cinq, se répartissent de la façon suivante trente-deux gendarmes et gardes de Paris, deux professeurs auxiliaires et six serviteurs de l’école Albert-le-Grand d’Arcueil, un banquier, un publiciste, deux fonctionnaires, un membre enfin de la haute magistrature, M. Bonjean, sénateur, président de Chambre à la Cour de cassation. Quant aux prêtres et religieux, ils furent au nombre de vingt-quatre, et, dans la présente chronique, nous avons le spécial devoir de les désigner avec plus de détails et d’une manière plus expresse.

L’archevêque de Paris, Mgr Darboy.

L’un de ses vicaires généraux, Mgr Surat.

Le curé de la Madeleine, l’abbé Deguerry.

Le curé de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, l’abbé Bécourt.

Un vicaire de Notre-Dame de Lorette, l’abbé Sabattier.

Un prêtre des Missions étrangères, le R. P. Houillon.

Un aumônier de patronage, l’abbé Planchat (des Frères de Saint-Vincent-de-Paul).

Un ancien missionnaire, aumônier d’ambulance, l’abbé Allard.

Un séminariste de Saint-Sulpice, l’abbé Seigneret.

Un Frère des Écoles chrétiennes, le Fr. Sauget.

Cinq membres du Tiers-Ordre enseignant de Saint-Dominique, à l’école Albert-le-Grand d’Arcueil :

Le R. P. Captier,

Le R. P. Bourard,

Le R. P. Cotrault,

Le R. P. Delhorme,

Le R. P. Chatagneret.

Quatre religieux de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (Picpus) :

Le R. P. Radigue,

Le R. P. Rouchouze,

Le R. P. Tardien,

Le R. P. Tuffier.

Cinq religieux de la Compagnie de Jésus, de la maison de la rue de Sèvres et de Sainte-Geneviève de la rue des Postes :

Le R. P. Pierre Olivaint, Le R. P. Léon Ducoudray,

Le R. P. Alexis Clerc,

Le R. P. Jean Caubert,

Le R. P. Anatole de Bengy.

Les prêtres et religieux que nous venons d’énumérer furent massacrés en quatre groupes distincts, les 24, 25, 26 et 27 mai.

Le 24 mai, jour où l’armée de Mac-Mahon s’empara du Luxembourg et du Panthéon, en même temps que des gares du Nord et de l’Est, six otages furent fusillés dans le chemin de ronde de la Grande-Roquette : l’archevêque de Paris, le curé de la Madeleine, le P. Ducoudray, le P. Clerc, l’abbé Allard, et, seul laïque parmi eux, le président Bonjean.

Le 25 mai, tandis que l’armée de Versailles allait s’emparer de la Butte aux Cailles et de la place d’Italie, et s’ouvrir péniblement un chemin vers la gare d’Austerlitz, les PP. Captier, Bourard, Cotrault, Delhorme, Chatagneret, du Tiers-Ordre enseignant de Saint-Dominique, étaient massacrés, avec deux maîtres laïques et six serviteurs de leur école Albert-le-Grand d’Arcueil, dans une impasse voisine de la place d’Italie et de l’église Saint-Marcel de la Maison-Blanche.

Le 26 mai, jour où la Commune perdait le faubourg Saint-Antoine et tout le secteur compris entre la place de la Bastille et la place de la Nation, avait lieu, sur les hauteurs de Belleville, cité Vincennes, au 85 de la rue Haxo, l’épouvantable scène de boucherie dans laquelle furent mis à mort, à coups de fusil et à coups de baïonnette, ou même à coups de couteau, quarante-sept otages, dont trente-sept gendarmes et gardes de Paris et dix ecclésiastiques les PP. Olivaint, Caubert et de Bengy, de la Compagnie de Jésus ; les PP. Radigue, Rouchouze, Tardien et Tuffier, de Picpus ; l’abbé Sabattier, de Notre-Dame de Lorette ; l’abbé Planchat, du patronage de Charonne ; le jeune abbé Seigneret, séminariste de Saint-Sulpice.

Enfin, le 27 mai, date de la prise des Buttes Chaumont et du Père-Lachaise, les geôliers communards de la Grande-Roquette ayant déserté leur poste devant la perspective imminente d’un châtiment certain, plusieurs d’entre les trente et un prêtres et religieux, encore détenus dans la prison bombardée, avec des gendarmes et des gardes de Paris, se risquèrent à sortir, croyant respirer désormais l’atmosphère de la liberté reconquise. C’était vingt-quatre heures trop tôt : Mgr Surat, vicaire général, l’abbé Bécourt, curé de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, et le P. Houillon, des Missions étrangères, furent abattus, massacrés au coin d’une rue, dans le quartier même de la Roquette.

L’holocauste était consommé. Le lendemain, dimanche 28 mai, sera, nous l’avons dit, le jour de la délivrance pour Paris incendié, ravagé, ensanglanté, sur lequel planait, depuis dix semaines, le plus hideux cauchemar. A la victoire finale du bon droit, avait préludé le sacrifice magnanime offert à Dieu par vingt-quatre « témoins » de sa propre cause et ministres de son immortelle Église.

 

II

Sur la voie douloureuse de la plupart des otages de la Commune, trois étapes sont particulièrement mémorables : Mazas, laRoquette, la rue Haxo.

Mazas, c’est la maison d’arrêt, la prison cellulaire, où ils demeureront séquestrés, chacun dans son étroit réduit, et sans être l’objet de la moindre instruction judiciaire, depuis la première quinzaine d’avril jusqu’au soir du 22 mai. Prisonniers d’État, ils sont au secret, par mesure de haute police et de suprême arbitraire des commissaires du peuple, notamment du féroce procureur de la Commune, Raoul Rigault.

Le plus important des otages était Mgr Darboy, l’archevêque de Paris. Des souvenirs quelquefois pénibles s’attachaient aux controverses doctrinales qui marquèrent son épiscopat de prélat gallican. Mais tout disparaissait désormais dans l’auréole de son malheur, de ses longues souffrances pour le Christ et l’Église, en attendant la gloire tragique d’une auréole plus splendide encore. Durant sa captivité, il relisait avec amour les livres qui lui étaient envoyés de sa belle bibliothèque de sciences ecclésiastiques, il revivait les jours où il avait été professeur de philosophie au petit séminaire, puis aumônier des normaliens. Sur sa poitrine, il gardait la croix pectorale de Mgr Affre, l’archevêque pacificateur dont le sang avait été le dernier versé au pied des barricades de juin 1848. A son doigt, il portait l’anneau pastoral de Mgr Sibour, cet autre archevêque de Paris poignardé à Saint-Etienne-du-Mont, en 1857, au milieu des fêtes de sainte Geneviève…

Le ministre plénipotentiaire des États-Unis, M. Washburne, obtint de visiter, un jour du mois d’avril 187 1, l’archevêque de Paris, prisonnier à Mazas. Pareil témoignage mérite d’être reproduit dans ses affirmations essentielles :

Je dois avouer que je fus profondément touché de l’aspect de cet homme vénérable. Sa personne amaigrie, sa taille mince et légèrement courbée, sa longue barbe, qui, selon les apparences, n’avait pas été rasée depuis sa captivité, son visage hagard et indiquant une santé ébranlée, tout en lui était de nature à affecter même les indifférents…

Le 19 mai, un autre visiteur pénétrait, par privilège, à Mazas, auprès de l’archevêque captif. C’était Me Edmond Rousse, qui venait briguer le périlleux honneur de le défendre éventuellement devant les tribunaux de la Commune. L’illustre avocat devait plaider, plus tard, pour d’autres nobles causes non moins désespérées, mais non moins dignes de son amour passionné pour le droit. Jusqu’au bout de sa carrière, selon le mot du duc d’Aumale, il unirait au talent de bien dire le courage de bien faire. L’impression de Me Rousse sur Mgr Darboy est aussi douloureuse et aussi émouvante que celle du diplomate américain :

En entrant dans la cellule du pauvre archevêque, je fus frappé de son air de souffrance et de son abattement. Grâce au médecin de la maison, on avait remplacé par un lit le hamac réglementaire des détenus. Il était couché tout habillé, les moustaches et la barbe longues, coiffé d’un bonnet noir, vêtu d’une soutanelle usée, sous laquelle passait un bout de ceinture violette, les traits altérés, le teint très pâle…

… Après une demi-heure de conversation, je lui tendis la main et pressai la sienne avec émotion. Plus d’une fois, je sentis les larmes me gagner. Il me dit adieu avec effusion, me remerciant vivement de ma charité. Ma visite, l’assurance que je lui donnais que le jugement n’aurait pas lieu tout de suite, la promesse que je lui fis de venir le voir souvent l’avaient évidemment remonté. Quand je me levai, il rejeta vivement la couverture de laine grossière qui l’enveloppait à moitié, descendit de son grabat sans que je pusse l’en empêcher, et, me serrant la main dans les siennes, il me reconduisit jusqu’à la porte.

Vous reviendrez bientôt, n’est-ce pas

– Mardi, Monseigneur.

« Mardi » sera le 23 mai. Depuis la veille, Mgr Darboy aura été transféré à la Roquette, la prison des condamnés à mort. Et, le mercredi 24, il sera fusillé sans jugement.

Mais revenons au 19 mai. Après sa conversation avec l’archevêque, Me Rousse fit une visite semblable au vénérable curé de la Madeleine, l’abbé Deguerry, naguère confesseur de l’impératrice Eugénie. Puis il eut un entretien avec le P. Jean Caubert, ancien avocat, Jésuite de la rue de Sèvres, dont il avait personnellement connu le père et le frère. Me Rousse voulut faire entrevoir au prisonnier du Christ une délivrance possible. Le visiteur nous rapporte que les espérances du P. Caubert étaient d’une autre sorte.

Il m’écoutait avec l’indifférence la plus sincère, souriant toujours et ayant l’air de penser : à quoi bon tout cela ? Enfin, il me dit :« Je vous remercie beaucoup de ce que vous faites. Il en sera ce qu’il plaira à Dieu. S’ils veulent nous tuer, ils en sont les maîtres. » Et, s’éloignant tout de suite de ce qui le regardait :« C’est une bien grande épreuve pour le pays, me dit-il, et qui le sauvera ? » Comme je lui exprimais mes doutes à cet égard : « Quant à moi, me dit-il avec le plus grand calme, jene doute pas, je suis sûr, je crois fermement que la France sortira de là régénérée, plus chrétienne, et, par conséquent, plus forte qu’elle n’a jamais été… »

… Je me levai, un peu gêné, et ne trouvant pas grand’chose à dire à un homme si fermement trempé, et dont le courage me semblait si fort au-dessus du mien.

Dans les premiers jours de son incarcération à Mazas (12 avril), Mgr Darboy avait cru devoir, comme tel était indubitablement son droit, écrire une lettre au Chef du pouvoir exécutif, à Versailles, Adolphe Thiers, pour appuyer un projet d’échange entre prisonniers politiques. Moyennant la libération, par le gouvernement légal de Versailles, du révolutionnaire Blanqui, condamné pour acte de sédition et d’insurrection, la Commune de Paris consentirait à remettre en liberté l’archevêque de Paris, le président Bonjean, l’abbé Deguerry, le vicaire général Lagarde et la sœur de l’archevêque, Mlle Darboy (laquelle allait être délivrée, de fait, après trois semaines d’incarcération arbitraire). L’abbé Lagarde, libéré sur parole, fut chargé de porter à Versailles le message de l’archevêque. Adolphe Thiers jugea inacceptable un échange qui semblait supposer ‘une analogie ou une équivalence entre la condition d’un criminel politique, comme Blanqui, et celles des otages de la Commune. Le gouvernement de Versailles interdit à l’abbé Lagarde de rentrer dans Paris, malgré les adjurations pressantes que lui adressait l’archevêque prisonnier. Au total, l’incident laissa, parmi les contemporains, une impression pénible et troublante.

Des projets d’échange continuèrent néanmoins à circuler avec quelque insistance. Le 6 mai, l’un des Jésuites détenus à Mazas, le P. Alexis Clerc, ancien officier de marine et professeur à l’école Sainte-Geneviève de la rue des Postes, recevait inopinément la visite d’une dame qui, durant le siège de Paris, avait été infirmière dans une ambulance où lui-même avait été aumônier. Cette dame avait accès auprès de l’un des potentats de la Commune révolutionnaire, et, en visitant le P. Clerc, amenait au prisonnier de Mazas, son propre frère, M. Jules Clerc, qui allait ainsi le revoir une dernière fois avant la suprême catastrophe. La charitable visiteuse annonce au P. Clerc que, s’il y consent, le haut personnage révolutionnaire ira prochainement le voir pour lui proposer d’être compris dans un échange de prisonniers politiques. Mais, aussitôt, l’ancien officier de marine bondit comme sous un outrage :

— De grâce, contenez-vous, lui dit-on, et, surtout, si l’offre vous est faite, n’allez pas vous compromettre... Il vous en arriverait malheur !

— Quel malheur ? Et qu’ai-je à craindre ? Nous ne pouvons guère être plus mal qu’à la Conciergerie et à Mazas.

— Pardon, mon Père, pardon…

Alors, s’écria-t-il en tressaillant, nous serions fusillés ! Quelle bonne fortune ! Tout droit en Paradis !

Et il avait l’air radieux, les mains étendues, les yeux au ciel...

Le soir même, le P. Alexis Clerc écrivait encore

J’ai entendu parler de propositions d’échange entre certaines personnes. Absit ! Je ne veux pas. Je patiente très bien, et le ferai tant qu’il faudra. Mais il y a tant de raisons pour refuser un échange. Oh !non !

Le P. Clerc n’avait guère d’illusions sur son sort. Néanmoins, sa libération, à la faveur d’un brusque écroulement de la Commune révolutionnaire, demeurait une éventualité possible. Professeur de sciences à la rue des Postes, il avait à prévoir la reprise de son cours au s futurs polytechniciens. Il réclama donc des livres de géométrie analytique, et, durant tout le temps qu’il ne consacra pas aux exercices de piété, il occupa laborieusement sa captivité à préparer son cours, en vue de la prochaine rentrée scolaire. Exemple magnifique de fidélité à la conscience professionnelle !

L’épisode le plus émouvant de la détention des otages est l’entrée mystérieuse de Notre Seigneur lui-même, sous le voile des espèces eucharistiques, dans la cellule de quelques-uns des prêtres et religieux qui s’apprêtaient à lui offrir le témoignage de leur sang.

Trois fois, l’audacieuse et sainte expédition fut accomplie, et avec un heureux succès, par une intrépide chrétienne, Mlle Delmas, directrice de l’Orphelinat des enfants délaissées, rue Notre-Dame-des-Champs. Ce fut, d’abord, le 13 avril, le jour même où les PP. Olivaint et Caubert allaient être conduits de la prison du Dépôt à la prison de Mazas. Ce fut, ensuite, le 15 mai, à Mazas même, quand des intelligences eurent été nouées, avec les garanties de sécurité nécessaires, parmi les geôliers des PP. Olivaint, Ducoudray et Clerc. Ce fut, enfin, dans la matinée du 22 mai, jour où les otages allaient quitter Mazas pour la Roquette. Le bombardement faisait rage, la ligne de feu s’étendait de la gare Saint-Lazare à l’École militaire. Mlle Delmas et une compagne digne de sa vaillance faisaient à pied, dans une prière silencieuse, la longue étape de la rue Notre-Dame-des-Champs à la prison de Mazas, près la gare de Lyon, et elles apportèrent sans encombre le précieux dépôt, qui fut immédiatement transmis aux PP. Olivaint, Ducoudray, Clerc, Caubert et de Bengy. Pour tous les cinq et pour plusieurs de leurs compagnons de supplice, notamment Mgr Darboy, Mgr Surat et l’abbé Deguerry, ce sera le viatique divin du dernier voyage et du suprême combat.

Pour chaque destinataire, le P. Hubin, lors du premier envoi, et le P. Matignon, lors du deuxième et du troisième envoi, placèrent quatre hosties consacrées dans une custode, enveloppée d’un corporal et renfermée dans un sachet de soie, lequel était muni d’un cordon pour être porté au cou. Le tout avait été introduit dans le double fond, hermétiquement fermé, d’un pot de crème, rempli jusqu’au bord. Les prisonniers étaient dûment avertis par des messages écrits en style conventionnel. A chaque envoi, ils purent faire savoir que l’aliment tant désiré leur était fidèlement parvenu et qu’ils avaient le bonheur d’être maintenant christophores.

Une lettre d’actions de grâces, écrite de Mazas, le 16 mai, par le P. Alexis Clerc, mérite d’être rapprochée de l’épitre fameuse aux chrétiens de Rome, où le martyr saint Ignace d’Antioche, au début du second siècle, chante avec amour son ardent désir d’être uni par le sacrifice de son sang au Pain véritable et vivant, Jésus-Christ

Ah !prison, chère prison, toi dont j’ai baisé les murs en disant : bonacrux !quel bien tu me vaux. Tu n’es plus une prison, tu es une chapelle. Tu ne m’es plus même Une solitude, puisque je n’y suis pas seul, et que mon Seigneur et mon Roi, mon Maître et mon Dieu y demeure avec moi...

Oh !dure toujours, ma prison, qui me vaux de porter mon Seigneur sur mon cœur, non pas comme un signe, mais comme la réalité de mon union avec Lui ! Dans les premiers jours, j’ai demandé avec une grande insistance que Notre Seigneur m’appelât à un plus excellent témoignage de son nom. Les plus mauvais jours ne sont pas encore passés. Au contraire, ils approchent, et ils seront si mauvais que la bonté de Dieu devra les abréger. Mais, enfin, nous y touchons.

J’avais l’espérance que Dieu me donnerait la force de bien mourir. Aujourd’hui, mon espérance est devenue une vraie et solide confiance. Il me semble que je peux tout en Celui qui me fortifie et qui m’accompagnera jusqu’à la mort.

Le voudra-t-il ? Ce que je sais, c’est que [s’il ne le veut] j’en aurai un .regret que la seule soumission à sa volonté pourra calmer...

La préparation au martyre est achevée.

L’holocauste sanglant va s’accomplir.

 

III

Dans la soirée du 23 mai, tous les otages qui venaient de passer, à Mazas, plusieurs semaines au régime de la prison cellulaire, se trouvaient incarcérés à la Grande-Roquette, prison des condamnés à mort. Ceux que le Seigneur avait choisis pour le martyre allaient y passer, les uns deux jours, la plupart quatre jours, quelques-uns cinq jours. Les autres, que l’Ange de Dieu n’aura pas marqués pour le même témoignage, seront délivrés le sixième jour.

Les conditions matérielles et morales de leur nouvelle (mais -combien passagère) installation représentèrent, pour les captifs du Christ, un incomparable adoucissement. Au lieu du jour parcimonieusement mesuré des lucarnes de Mazas, chaque cellule bénéficie d’une vraie fenêtre, s’ouvrant à hauteur d’appui et donnant libre accès à l’air et à la lumière. En outre, ce n’est plus l’isolement. Chaque cellule n’est séparée de la cellule contiguë ̃que par une mince cloison, qui partage par moitié, entre les deux prisonniers, la même fenêtre commune. A un signal donné, l’un et l’autre captif peut se rendre à la fenêtre et converser librement avec son voisin. On retrouve aujourd’hui cette disposition des lieux au numéro 85 de la rue Haxo, où les cellules de quelques-uns des otages ont été parfaitement reconstituées, après achat des diverses pièces de leur matériel (portes, verrous, grillages), lors de la démolition de la Grande-Roquette.

Non seulement les prisonniers pouvaient ainsi converser deux à deux, mais, deux fois par jour, ils avaient récréation commune, avec liberté de se voir dans le chemin de ronde, ou dans le couloir de la prison, ou même dans les cellules les uns des autres. On devine quel réconfort moral les otages de la Commune, prêtres et laïques, trouvèrent dans cette facilité bienheureuse de se communiquer mutuellement les secours fraternels et spirituels que réclamaient leur épreuve déjà longue et l’imminence du dernier sacrifice.

Les entretiens de Mgr Darboy et du P. Olivaint furent d’un caractère particulièrement émouvant les dissentiments des années précédentes disparaissaient à jamais dans la communauté d’un même témoignage rendu à la même cause pour le même amour. Le religieux put donner à l’archevêque le trésor des trésors, le Pain divin de l’Eucharistie.

Le P. Olivaint reconnut, parmi les otages laïques, un de ses anciens camarades de l’École normale, M. Chevriot, proviseur du lycée de Vanves (alors succursale de Louis-le-Grand). Après les premières effusions, le P. Olivaint, abordant un grave sujet, demanda simplement et affectueusement à M. Chevriot s’il comprenait comme lui les devoirs que leur imposait la perspective menaçante de la mort. Le proviseur répondit que rien ne les séparait plus. Dès la vieille, il avait fait sa paix avec Dieu, et s’était confessé au P. Houillon, des Missions étrangères, son voisin de cellule. « Fort bien, mon cher camarade, répliqua en souriant le P. Olivaint. Mais il me semble que vous m’apparteniez, et que j’ai un peu le droit d’être jaloux ! »

Dans une lettre du 25 avril, datée de Mazas, le P. Clerc écrivait à son frère Jules qu’il avait prévu de longue date la probabilité d’une incarcération à subir. « Pour ne pas exagérer les pressentiments que je reçois, continuait-il, je dois ajouter que j’imaginais que cela se ferait par le moyen régulier et officiel d’un M. Bonjean quelconque, magistrat des vieux Parlements, tandis que ce pauvre M. Bonjean trouvemoins étonnant de se voir lui-même en prison, que de s’y voir avec les Jésuites. Oh !fortune !je puis dire aussi : Oh ! Commune, voilà de tes coups ! » Un mois plus tard, à la Grande Roquette, c’était le Jésuite Alexis Clerc qui occupait la cellule contiguë à celle du président Bonjean.

La rencontre pouvait sembler paradoxale. Ce contact suprême et inopiné avec un prêtre de la Compagnie de Jésus n’allait-il pas bouleverser un magistrat qui incarnait, au su de tout le monde, et qui avait formulé avec âpreté, à la tribune du Sénat impérial, les plus violentes préventions des légistes et des césariens du gallicanisme d’État contre la puissance ecclésiastique, contre Rome et surtout contre les Jésuites? Mais, aux approches d’une mort tragique, la grâce de Dieu faisait luire, dans l’âme du magistrat gallican, des clartés nouvelles, lui faisait découvrir d’autres horizons. La charité sacerdotale du P. Clerc, sa droiture et sa générosité chevaleresques émurent, séduisirent, le président Bonjean. Sur le terrain de l’honneur, sur le terrain de la conscience professionnelle, les deux captifs n’auraient nulle peine à s’entendre. Nous connaissons déjà le P. Clerc. Quant au président Bonjean, il était revenu à Paris, en pleine Commune, pour prendre place à la tête de la Cour de cassation, comme doyen des présidents de Chambre, le premier président se trouvant écarté par la maladie.C’est au sortir même de son audience que le président Bonjean avait été arrêté, incarcéré, par les forbans de la Commune. Lorsque, pour des raisons de famille, on avait envisagé, pour lui, la libération temporaire, comme prisonnier sur parole, il avait, d’accord avec sa noble femme, refusé la perspective d’un tel avantage, craignant qu’un obstacle de force majeure l’empêchât de rentrer à Paris et lui donnât l’apparence d’avoir trahi, par crainte de la mort, son engagement d’honneur. Après quoi, le fier magistrat français avait, dans sa prison, écrit, pour ses enfants, cette déclaration admirable :

… Moi qui n’ai jamais trompé personne, moi qui voudrais encore moins tromper mes enfants en ce moment solennel, je vous affirme que, si misérable que puisse être la fin qui paraît m’être destinée, je ne voudrais à aucun prix avoir agi autrement que je ne l’ai fait. C’est que le premier bien, mes chers enfants, c’est la paix de la conscience et que ce bien inestimable ne peut exister que pour celui qui peut se dire :J’ai fait mon devoir.

Entre cet homme d’honneur et de haute conscience qu’était le président. Bonjean, et l’ancien officier de marine, le chevalier intrépide, le prêtre et le religieux au grand cœur, qu’était le P. Alexis Clerc, l’accord ne tarda pas à devenir étroit et cordial.

Tous deux causèrent longtemps, à la commune fenêtre de leurs deux cellules. Ils causèrent encore, seul à seul, dans le chemin de ronde, durant le temps de la récréation des détenus. Les autres otages respectaient l’intimité d’un dialogue dont chacun soupçonnait aisément le caractère. Enfin, les deux interlocuteurs se séparèrent, et le président Bonjean, le visage tout radieux, aborda l’archevêque de Paris :« Eh bien ! Monseigneur, s’écria-t-il, moi, le gallican, qui aurait jamais cru que je serais converti par un Jésuite ?... »

Ces choses étaient dites dans la matinée du 24mai. Dans la soirée du même jour, au pied des hautes murailles de: la Roquette, un double feu de peloton, salué par les acclamations haineuses et féroces de la populace qui avait envahi l’enceinte de" la prison, foudroyait tes six premières victimes Mgr Darboy et le président Bonjean, les abbés Deguerry et Allard, le P. Ducoudray, recteur de la rue des Postes, et le P. Alexis Clerc, son fidèle compagnon de labeur et de martyre. La dernière vision qu’un témoin eût gardée de l’archevêque, dont le corps était déjà criblé de balles, mais avant le coup de grâce, est celle qu’a immortalisée, à Notre-Dame de Paris, le monument de Mgr Darboy par le sculpteur Bonnassieux la main gauche s’appuyait sur le mur, tandis que la main droite demeurait élevéedans un geste de suprême bénédiction. Le Bon Pasteur donnait sa vie pour son troupeau, et, comme le Christ, il pardonnait à ses meurtriers.

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Le surlendemain, 26 mai, à Belleville, au 85 de la rue Haxo, avait lieu la grande hécatombe de quarante-sept otages de ta Commune, dont dix ecclésiastiques, parmi lesquels quatre Pères de Picpus et trois Jésuites.

Pour mieux savourer l’amertume du calice d’agonie, les otages qui, depuis la Roquette, venaient de subir l’épuisante fatigue de la voie douloureuse, durent supporter encore une longue attente, rue Haxo, parmi les menaces et les clameurs furieuses de la multitude en délire. Le sort des victimes se discutait confusément, tumultuairement, dans un conseil de guerre improvisé, dont l’issue ne pouvait être douteuse.

Avec le citoyen Hippolyte Parent, dernier commandant en chef de l’insurrection vaincue, la plupart des « juges » réclamaient l’exécution générale des otages, tandis qu’une tardive clémence était plaidée, au nom de l’intérêt politique, par quelques prévoyants de l’avenir.

Mais -à quoi bon tant de palabres ? Le débat se prolonge par trop, au gré de la foule révolutionnaire. Une vivandière de dix-neuf ans décharge son revolver. Un otage tombe foudroyé. Alors, il se produit une poussée formidable, tandis que le boucher Victor Bénot rugit :A mort !et que des centaines de voix avinées répètent :A mort ! A mort ! Ce sera la parole décisive.

Les otages sont entraînés pêle-mêle, vers le fond de la cité Vincennes, par delà le petit mur (haut de 50 centimètres) d’un immeuble en construction, et acculés au pied d’une haute muraille de couleur sombre. L’heure du massacre est venue.

Fédérés et vivandières tirent dans le tas, soit à coups de fusil, soit à coups de revolver, tandis que d’autres assassins, à califourchon sur le mur d’enceinte, dirigentcontre les otages un feu plongeant. Après quoi, la foule se rue sur les malheureux, qui râlent et gémissent encore. On les piétine, on les larde de coups de baïonnette et de coups de poignard, jusqu’à ce que tous soient entrés dans l’éternel silence.

Puis, les quarante-sept cadavres sanglants, horriblement mutilés et défigurés, furent jetés, entassés, dans une fosse de maçonnerie qui était destinée à devenir la fosse d’aisances de l’immeuble en construction. Du regard humain, tous les détails du massacre et de ses suites concourent à augmenter l’épouvante de cette affreuse, de cette répugnante scène de boucherie, qui reste le plus hideux forfait de la Commune agonisante.

Si nous commémorons le jubilé des otages de la Commune, ce n’est pas dans une pensée de haine ou de vengeance, mais en vue de rendre hommage à l’héroïsme de tant de nobles victimes.

C’est en vue de remercier le Dieu très bon et très saint qui, par la vertu spirituelle de leur sanglant holocauste, daigna exercer sur les âmes croyantes et incroyantes, sur les œuvres d’apostolat intellectuel ou populaire, sur la France repentante et consacrée, les magnifiques desseins d’amour dont témoigne, parmi tant d’épreuves, l’histoire religieuse des cinquante dernières années.

Les Dominicains enseignants d’Arcueil, fusillés, le 25 mai 1871, non loin de la place d’Italie, étaient tombés en criant :C’est pour le bon Dieu ! Parmi les prêtres et religieux massacrés rue Haxo, nous en savons deux qui, ayant atteint l’âge d’homme et, suivant déjà une autre carrière, avaient tout quitté, en 1845, pour entrer dans la Compagnie de Jésus proscrite, se sentant impérieusement sollicités par l’attrait de la persécution C’était l’universitaire Pierre Olivaint, dont le P. Charles Clair a retracé avec tant de charme la sainte carrière, et c’était le juriste Jean Caubert, qui aura eu pour historiographe son neveu, le R. P. Pierre Lauras, aujourd’hui directeur de la Conférence Laënnec. Ce qu’ils ont cherché, ils l’ont trouvé au delà de leurs plus magnanimes désirs d’immolation et de sacrifice, quand, le 26 mai 1871, ils donnèrent au Christ, à l’Église et aux âmes le suprême témoignage d’amour.

Sans nous permettre de dire encore les paroles que l’Épouse du Christ veut être la première à prononcer, nous avons le droit de rappeler que, dans le langage de l’antiquité chrétienne, pareil témoignage se nomme le martyre. Archevêque, vicaire général, prêtres du clergé séculier ou régulier, aspirants au sacerdoce ou éducateurs religieux des enfants du peuple, tous les otages de la Commune qui ont été arrêtés et mis à mort en raison même de leur qualité d’ecclésiastiques ou de religieux, et qui ont volontairement accepté la mort pour cette sainte cause, paraissent réaliser chacune des conditions que la Tradition catholique exige pour que le témoignage du sang prenne le caractère et reçoive l’auréole du martyre.

Déjà, notre cœur discerne et salue les témoins du Christ, immolés le 24, le 25, le 26, le 27 mai 1871, dans la blanche armée des cieux qui, selon les paroles du Te Deum, chante la louange du Seigneur par un éternel cantique.

Nous glorifions, par leur mémoire et leurs exemples, le Dieu tout-puissant que leur mort héroïque a plus dignement glorifié. Nous appelons avec espoir et confiance leur secours céleste sur tout ce que nous aimons et tout ce qu’ils ont aimé.

Mais nous nous gardons d’intercéder nous-mêmes pour leur âme et leur salut, comme s’ils pouvaient avoir besoin de notre aide, car nos aillés dans la foi nous ont appris que ce serait une impiété de prier pour des martyrs.

Yves de la BRIERE

 

la villa des otages.

Nous nous permettons de signaler à la délicate charité de nos lecteurs et lectrices les œuvres d’apostolat populaire (patronage de garçons, patronage de filles, institutions annexes) qui perpétuent la mémoire des nobles otages de la Commune au lieu même de leur massacre 85, rue Haxo.

A la « villa des otages », on retrouve le cadre presque intact de l’horrible scène du 26 mai 1871. Sur le mur sombre du massacre, on lit la liste des victimes qui furent mises à mort, voilà cinquante ans, par haine du droit, de la religion et de la paix, odioiuris, religionis et pacis. Devant ce mur, on contemple la fosse encore béante où furent jetés pêle-mêle les cadavres des victimes. Dans le bâtiment contigu, on visite les cellules des otages, telles qu’elles étaient à la Roquette.

Chaque secours donné aux œuvres de la « villa des otages » sera un hommage rendu à la sainte mémoire des témoins du Christ et une contribution méritoire à la fécondité de leur sacrifice.

Y. B.

 

Disponible sur Gallica :ark:/12148/cb34348593d/date

15/11/2014

A PROPOS DE LA CANONISATION DES PERES JESUITES – DOCUMENTS.

A PROPOS DE LA CANONISATION DES PERES JESUITES – DOCUMENTS.

État des lieux provisoire de nos recherches au 15 novembre 2014. 

Memoire martyrs.jpg

Peu de documents peuvent se trouver sur le web aussi est-ce une présentation des rares éléments glanés ici ou là que nous proposons ici.

Cette recension se poursuivra au gré de nos rencontres. Bien entendu, nous remercions d’avance celles et ceux qui pourraient nous apporter d’autres compléments.

oOo

Le premier document faisant état d’une procédure concernant la canonisation des cinq pères jésuites, remonte au 22 avril 1893 et est publiée dans le N°16 de La Semaine religieuse du Diocèse de Rouen. Dans ce document, il est précisé que le second acte des procédures commencera le 15 avril 1893. Et aussitôt, le texte indique que « La première série des procédures a eu lieu à Paris, par les soins d’une commission d’enquête, qu’institua, le 16 octobre 1872, l’Archevêque de Paris. »

C’est donc relativement rapidement que les autorités religieuses se sont penché sur cette cause. Certains écrits, comme notamment les Grâces et guérisons extraordinaires attribuées à l’intercession des PP. Olivaint, Ducoudray, Caubert, Clerc et de Bengy de la Compagnie de Jésus, mis à mort sous la Commune (1871) – dont une édition paraît en 1874 (mais d’autres éditions sans date de parution sont également signalées, sans doutes des éditions antérieures à 1874 ?) – montrent que très tôt la mort des pères jésuites a eu des suites surnaturelles.

Le deuxième document que nous présentons est daté de 1902. Il s’agit de l’Annuaire pontifical catholique, par Mgr Battandier. Dans cet Annuaire l’auteur publie un fragment de catalogue réalisé par le R.P. Beggari, postulateur général des causes de la Compagnie de Jésus. Cet extrait donne une explication probable à la lenteur voire la suspension de la cause.

Il faut attendre ensuite 1937 pour que la revue Études, dans son numéro de décembre, lance un appel à ses lecteurs, pour recueillir des témoignages, en vue du procès apostolique pour la cause de béatification des cinq pères. Cette recherche va être soutenue par le Cardinal Jean Verdier (1864-1940) qui publie une lettre dans la Semaine religieuse de Paris, « prescrivant la recherche des écrits des serviteurs de Dieu. »[1]

Cette cause aurait été introduite à Rome le 17 février 1937[2]. Nous n’avons pu retrouver d’autre confirmation de cette date. Toutefois, le journal La Croix, dans son numéro du 3 juin 1937, annonce que « la Congrégation des Rites a émis le décret d’introduction de la cause de béatification des Jésuites massacrés en mai 1871 sous la Commune, les RR. PP. Pierre Olivaint, Léon Ducoudray, Alexis Clerc, Jean Caubert et Anatole de Bengy. »

N’étant pas féru des procédures en vigueur, c’est en l’état que nous livrons ces informations qui mériteraient plus de précisions. De même nous ignorons l’état d’avancement de la cause, si tant est que cette cause est toujours ouverte. La lenteur n’est malheureusement pas rare

La dernière information dont nous disposons remonte à 1971 ! C’est une note accompagnant un article intitulé La Commune de Paris et paru dans la revue Etude de juin 1971. Cet article est écrit par le R.P. Joseph Lecler, vice-postulateur de la cause. Mais sur l’avancée de la cause, l’article ne nous apporte pas grand-chose sinon que l’auteur en parle comme d’un dossier toujours ouvert mais, toujours selon cette note, la cause aurait été élargie à l’ensemble des prêtres et religieux morts pendant la Commune. Nous citons cette note de Joseph Lecler : « Depuis la dernière guerre, on a entrepris le procès apostolique de Mgr Darboy, archevêque de Paris, et des otages religieux de la Commune. Nous avons été chargés nous-mêmes de rassembler les témoignages relatifs au Père Olivaint, jésuite, et à ses quatre confrères, les pères Ducoudray, Clerc, Caubert et de Bengy. »

En guise de conclusion à cet état des lieux provisoire, nous citerons cette prière pour les pères Jésuite qui – peut-être – fera avance la cause ? 

PRIERE
POUR OBTENIR LA BEATIFICATION
DES PERES S. J
OLIVAIN, DUCOUDRAY, CLERC, CAUBERT et de BENGY

massacrés à Paris
à la Roquette le 24 mai
ou rue Haxo le 26 mai 1871

oOo

"Ibant Gaudentes"

 

Seigneur qui avez dit : Quiconque me glorifiera je le glorifierai à mon tour ; daignez de vous souvenirs de vos serviteurs Pierre OLLIVAINT, Léon DUCOUDRAY, Alexis CLERC, Jean CAUBERT et Anatole de BENGY.

Nous les avons vus, fiers du Nom de Jésus, marcher calmes et radieux sous les outrages, bénir leur captivité comme une sainte retraite et, dans leur joie de mourir pour Vous, s'offrir d'eux-mêmes aux coups de leurs bourreaux.

 

Ils Vous ont glorifié, Seigneur, glorifiez-les. Hâtez le jour où l'Eglise, les élevant sur les Autels, proposera en exemple leur force à nos faiblesses, leur sérénité à nos craintes, leur sublime amour à notre médiocrité.

 

Nous Vous en conjurons par leur Chef Votre Fils et notre Roi, Jésus-Christ Notre Seigneur. Ainsi soit-il.

Reine des Martyrs, priez pour nous.

oOo

 

avec l'approbation de l'Ordinaire

Oeuvre des Otages, dépositaire 85, rue Haxo Paris, XX

 

 

DOCUMENT N°1 :

Source : La Semaine religieuse du Diocèse de Rouen, samedi 22 avril 1893, 27e année, N°16.

DIOCÈSES DE FRANCE.

(Revue des SEMAINES et des journaux.)

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cinq martyrs.

 

La semaine dernière a commencé à Rome le second acte des procédures concernant la canonisation de cinq Français, nos contemporains : les PP. Olivaint, Ducoudray, Caubert, Clerc et de Bengy, martyrisés sous la Commune.

La première série des procédures a eu lieu à Paris, par les soins d’une commission d’enquête, qu’institua, le 16 octobre 1872, l’Archevêque de Paris. Après vingt ans d’informations canoniques , la congrégation romaine compétente est officiellement saisie. Son premier examen aura lieu le 15 avril.

Remarque qui n’est pas sans intérêt : trois des futurs canonisés sont, par l’origine, des universitaires parisiens.

Pierre Olivaint a été un normalien, licencié ès lettres et agrégé d’histoire. Élève, il a étudié avec le plus grand succès au lycée Charlemagne ; professeur, il fut envoyé quelque temps au lycée de Grenoble , puis revint à Paris au collège Bourbon. Et quand, à trente ans, il quitta le monde pour se faire Jésuite, c’est encore à l’enseignement qu’il s’adonna ; il entra, en 1852, au collège de Vaugirard, il en devint recteur quatre ans après, et il y demeura jusqu’en 1865.

Un souvenir de l’Université vint retrouver le P. Olivaint dans sa prison de la Roquette à la veille de l’exécution. Il rencontra pendant la récréation, dans la cour des détenus, un compagnon de captivité, le proviseur du petit lycée Louis-le-Grand, à Vanves, M. Chevriot, un ancien camarade de l’École normale. Ils ne s’étaient pas revus depuis trente-quatre ans ; ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, et les évocations de la jeunesse charmèrent les heures rares que le P. Olivaint ne donnait pas à Dieu.

Un second martyr, Alexis Clerc, a fait ses études au collège Henri IV, qui le conduisit à l’Ecole polytechnique. C’est donc l’Université qui l’a préparé à la carrière de la marine, qu’il a suivie treize ans avec honneur.

Lieutenant de vaisseau, il se présente à trente-cinq ans au noviciat des Jésuites et il se consacre pendant plusieurs années à l’enseignement supérieur dans l’école de la rue des Postes. Il fit ses vœux de profession en mars 1871, et il tomba sous les balles deux mois après.

Un troisième martyr est également élève de l’Université : c’est Jean Caubert. Il a fait toutes ses classes au collège Louis-le-Grand, et a passé trois ans à l’École de droit.

Il était avocat depuis sept ans, quand il entra au noviciat des Jésuites. Il a été longtemps employé rue des Postes à l’école des jeunes gens. Il faisait partie de la communauté de la rue de Sèvres , lors des arrestations.

Les deux autres victimes associées dans le même procès de canonisation, Léon Ducoudray et Anatole de Bengy, ne tiennent pas à l’Université. Le premier fut élève du petit Séminaire de Paris, que dirigeait alors Mgr Dupanloup ; il n’entra au noviciat des Jésuites qu’après s’être fait recevoir docteur en droit. Il était depuis quatre ans recteur de la rue des Postes quand survint la Commune. Le second était élève de Brugelette. En 1856, il avait fait partie de l’expédition de Crimée comme aumônier militaire. En 1870, il avait sollicité et obtenu la même faveur de se consacrer aux ambulances de la banlieue. On l’arrêta rue des Postes, parce qu’on lui trouva un nom à faire « couper le coup » !

On sait qu’au lendemain des exécutions les restes de ces cinq victimes , pieusement exhumés des fosses où les avaient jetés les bourreaux, furent placés dans un caveau du cimetière Montparnasse, puis transférés dans la Chapelle du Jésus, rue de Sèvres, sous cinq dalles de marbre blanc, que la piété et la reconnaissance couvrent quotidiennement de fleurs et de couronnes.

On conserve au même lieu un touchant souvenir des martyrs de la Commune, de leur captivité à Mazas. C’est un petit musée des objets qui meublaient leurs cellules de prisonniers : leurs hamacs de nuit, leurs chaises de paille rivées à la petite table par des chaînes de fer, leurs bidons, leurs gobelets, leurs cuillères de bois, leurs portraits, leurs autographes, des lambeaux de vêtements, des instruments de pénitence, et les petites boîtes qui servaient à leur porter le saint Sacrement.

Beaucoup affirment devoir aux victimes de 1871, à leur intercession, des grâces, de miraculeux bienfaits, des guérisons. C’est précisément tout cela qui fait la matière du procès pendant. Il commence à Rome pour cinq des martyrs. D’autres assurément leur seront joints dans l’instance canonique, puisque ces cinq ne sont pas les seuls qui aient été massacrés en haine de Dieu durant les jours néfastes. Ils ne seront que l’avant-garde d’un triomphant cortège, qui garantit à la France le pardon du ciel.

—————

- Notice complète :

Titre : La Semaine religieuse du Diocèse de Rouen

Auteur : Eglise catholique. Diocèse (Rouen)

Éditeur : [s.n.?] (Rouen)

Date d’édition : 1867-1907

Type : texte,publication en série imprimée

Identifiant : ark :/12148/cb328670913/date

Relation : http ://catalogue.bnf.fr/ark :/12148/cb328670913

 

 

DOCUMENT N°2 :

 [p. 518-521]

ANNUAIRE PONTIFICAL CATHOLIQUE

Ve Année – Année 1902

 

[ Extraits ]

 

ÉTAT DES CAUSES

DES VÉNÉRABLES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

Nous extrayons ce fragment de catalogue d’une très intéressante publication faite par le R. P. Beggari, postulateur général des causes de la Compagnie de Jésus et intitulé Catalogus Sanctorum, Beatorum, Venerabilium et Servorum Dei e Societate Jesu cum statu causarum beatificationis et canonizationis eorumdem ineunte sæculo vigesimo. Curavit. G. B. soc. Jesu.

Ce Catalogue renferme d’abord un exposé, court il est vrai, mais très clair, des différentes phases par lesquelles passe un procès de béatification en cour de Rome. Il contient ensuite le catalogue des saints, bienheureux et vénérables appartenant à cette illustre Compagnie, et enfin l’état des causes des serviteurs de Dieu dont elle poursuit le procès.

Au moment où les Jésuites sont plus que les autres exposés à la persécution, il est consolant de contempler la grande quantité de saints et illustres personnages que cet Ordre croit dignes des honneurs des autels, et l’on voit combien est injuste le mouvement dirigé par la Franc-Maçonnerie qui voudrait faire disparaître de la face de la terre l’admirable Institut auquel nous devons une telle pléiade de serviteurs de Dieu.

 

Causes déjà en cour de Rome.

[…]

[p. 520]

Pierre Olivaint et ses compagnons, martyrisés sous la Commune les 25 et 26 mai 1871[3]. Les compagnons du R. P. Olivaint sont le R. P. Ducoudray, Alexis Clerc, Jean Caubert et Anatole de Bengy. — La Congrégation pour l’introduction de la cause a déjà eu lieu, mais le Souverain Pontife s’est réservé la promulgation du décret. L’abbé Boissonot, dans la Vie du cardinal Meignan[4], parle des raisons qui, selon lui, auraient fait suspendre cette cause. Le cardinal Meignan, auquel il semble juste d’en attribuer la responsabilité, réclamait parce qu’introduire cette cause avant celle de Mgr Darboy, aurait été outrageant pour l’archevêque de Paris. De plus, le cardinal ajoutait que cette introduction aurait en France un effet qui contrarierait le développement des directions pontificales au point de vue politique. Tels sont les motifs que le cardinal Meignan fit valoir auprès du Souverain Pontife ; mais si la suspension a eu lieu, rien ne nous prouve que Léon XIII se soit basé précisément sur ces motifs pour la décréter.

 

- Notice complète:

Titre : Annuaire pontifical catholique (Paris) – Ve année — Année 1902

Titre : Annuaire pontifical catholique / fondateur Mgr A. Battandier

Éditeur : Maison de la Bonne Presse (Paris)

Date d’édition : 1898-1948

Identifiant : ark:/12148/cb32698536v/date

Identifiant : ISSN 11537299

Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32698536v

 

 

DOCUMENT N°3 :

 

Etudes, 5 Décembre 1937 (p. 682).

 

En vue du procès apostolique pour la cause de béatification des RR. PP. Olivaint, Ducoudray, Caubert, de Bengy et Clerc, de la Compagnie de Jésus, mis à mort pour la foi, sous la Commune, à la Roquette et à la rue Haxo, les 24 et 26 mai 1871, le R. P. Lecler, vice-postulateur de la cause, serait heureux d’entrer en relations avec les personnes qui ont connu l’un ou l’autre des serviteurs de Dieu et peuvent apporter sur leur vie, sur leur emprisonnement ou sur leur martyre, un témoignage substantiel. Tout procès de béatification comportant également l’examen des écrits, les personnes qui seraient en possession de lettres autographes de l’un ou de l’autre des martyrs sont priées d’en envoyer une copie au vice-postulateur après l’avoir fait authentiquer par l’évêché du lieu[5].

 ————

 - Notice complète:

Titre : Études (1897)

Titre : Études / publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus

Auteur : Compagnie de Jésus

Éditeur : V. Retaux (Paris)

Date d’édition : 1897-1940

Contributeur : Grandmaison, Léonce de (1868-1927). Directeur de publication

Identifiant : ark:/12148/cb34348593d/date

Identifiant : ISSN 09945954

Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34348593d

Description : Périodicité : Bimensuel

 

 



[1] La publication de cette lettre est mentionnée dans La Semaine Religieuse du Diocèse de Quimper et de Léon, dans son numéro 1, daté du vendredi 7 janvier 1938.

[2] Cf. Le blog (en anglais) Jesuit Restoration 2014  : http://www.sj2014.net/blog/archives/05-2014

[3] En ce qui concerne les RR.PP Ducoudray, De Bengy, Caubert et Clerc, la date exacte est le 24 mai 1871 [ndlr]

[4] BOISSONOT, Henri : Le Cardinal Meignan, par l'abbé Henri Boissonnot, son secrétaire intime, Paris Victor Lecoffre, 1899 (558 pages). [ndlr]

[5]Toute correspondance devra être adressée au R. P. Lecler, 15, rue Monsieur, Paris (7°).