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06/09/2015

Archives : Edouard Drumont évoque l'Ecole Sainte Geneviève

Le Journal de l’Ain (61e année - N°61, du Lundi 26 mai 1879) dans la revue des journaux [en page 2] cite longuement un article d’Edouard Drumont qui évoque un moment le martyr des pères Ducoudray, de Bengy, Clerc, Olivaint et Caubert.

 

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Dans la Liberté,[i] excellent article de M. Drumont sur les congrégations en général et les Jésuites en particulier. C’est le personnel de la rue des Postes que notre savant confrère passe d’abord en revue :

Les membres de la Compagnie sont presque tous des hommes éminents. Toutes les professions libérales sont représentées parmi eux. Le Père de Montfort, pour prendre quelques noms au hasard, est un ex-officier du génie (École polytechnique) ; le Père Turquand, un officier d’artillerie (Ec. pol.) ; le Père Jomard, un ingénieur des ponts et chaussées (E. pol.) ; le Père de Benazé, un ingénieur des constructions navales (Ec. pol.) ; le Pères Saussier est un ancien officier de marine, qui est un camarade d’École navale de notre directeur ; le Père Bernière est aussi un ancien officier de marine ; le Père de Plat a été également capitaine de vaisseau. Les Pères de Laudic, Escoffier, Fèvre sortent de Saint-Cyr ; les deux premiers ont été officiers d’état-major, le troisième lieutenant de chasseurs à cheval.

Le Père Joubert, qui a été longtemps professeur à Rollin, est docteur ès-sciences ; le Père Legouix, qui a été reçu le premier à l’École normale (section des sciences), est docteur ès-sciences naturelles ; le Père Verdier est agrégé d’histoire.

Franchement, sans être fanatique, on ne peut s’empêcher de hausser les épaules en voyant un

avocat comme M. Jules Ferry se permettre d’interdire à des pères de famille de confier leurs enfants à des tels hommes, sous prétexte qu’ils sont indignes d’enseigner. Il serait aussi équitable de dégrader le Père de Benazé qui a été nommé chevalier de la Légion d’honneur pour avoir sauvé son navire dans une expédition au pôle Nord. Le seul penseur logique dans cette question, ce n’est pas Ferry, c’est Ferré ; il ne s’est pas amusé à contester au Père Olivaint, qui avait été professeur à Charlemagne, le droit de faire rue Lhomond ce qu’il pouvait faire rue Saint-Antoine, il l’a tué…

M. Drumont nous conduit ensuite dans la cour et dans le parloir de l’établissement :

Mais revenons à l’école Sainte-Geneviève. Dans la cour à gauche, en lettre d’or, vous lisez cette inscription tirée des Macchabées : Melius est mori quam videra mala gentis nostræ et sanctorum.[ii] Ceci est la théorie ; entrez dans le parloir qui est à votre droite : et voici l’application. Sur les murs de ce parloir, vous apercevez les photographies de tous les élèves de l’école tués à l’ennemi. Les noms les plus obscurs figurent à côté des plus illustres ; ce sont, pour citer au hasard : le comte d’Adhémar de Cransac, tué à Gravelotte ; le prince de Berghes, tué à Sedan ; Robert de Kergaradec et le marquis de Suffren, tués à Reichshoffen ; Law de Lauriston, tué en Afrique ; le duc de Luynes et de Chevreuse, tué à Loigny ; Joseph Algay, tué à Orléans ; Henri Aubert, tué à Thiais ; Lionel Lepot, tué à Paris. Le total des victimes est de 86, ce qui est encore un chiffre qu’on ajouter à ceux que nous avons reproduits.

On s’arrête devant ces portraits et l’on éprouve en passant cette revue, une impression de mélancolie profonde. Quelques-unes de ces physionomies sont martiales et révèlent le soldat déjà habitué aux camps ; d’autres sont empreintes encore d’une grâce juvénile, et sous le héros laissent apparaître l’enfant. Lisez les Souvenirs de l’École Sainte-Geneviève, et dans chacune des notices consacrées par le P. Chauveau aux élèves tombés pour la patrie vous trouverez des épisodes superbes ou touchants.

À mesure que l’auteur avance dans son récit, l’émotion, une émotion toute patriotique s’empare de lui ; elle se communiquera comme d’elle-même au lecteur :

Cette visite dans le parloir est vraiment impressionnante, je le répète. Quand un vieillard vous dit, avec son bon sourire, devant ce martyrologe de l’École : « On prétend que nous ne sommes pas Français ! » on songe que beaucoup de ceux qui sont le plus acharnés contre ces patriotiques instructeurs d’une jeunesse héroïque sont eux, des Français d’hier. La France leur a fait généreusement place à son foyer, elle les a mis dans les postes que n’occuperont jamais beaucoup de ses enfants qui, de père en fils, sont sur le sol depuis cinq cents ans. Ne serait-ce pas de la simple pudeur que de laisser au moins nos pères de familles faire élever leurs enfants à leur guise ?

Dans le fond du parloir, vous découvrez la statue du P. Ducoudray, recteur de l’école Sainte-Geneviève avant le P. Du Lac, et représenté au moment où il tombe sous les balles des fédérés. Au-dessus de la porte d’entrée qui conduit aux cellules sont les médaillons du P. Caubert, du P. Alexis Clerc et du P. de Bengy. Les deux premiers sont graves et doux ; l’autre, presque souriant, comme il convient à l’intrépide aumônier militaire qui se multipliait pendant le siège et trouvait moyen d’égayer nos blessés au milieu de leurs souffrances.

C’est le 4 avril 1871, on le sait, qu’un bataillon de fédérés envahit l’École de la rue Lhomond, et demanda qu’on lui livrât les armes cachées. Pour la foule, les armes cachées sont le mot vague que les prétendus lettrés remplacent par le mot menées occultes ou agissements ténébreux. Ce sont les mêmes phrases toutes faites ; seulement l’homme du peuple, en les employant, est plus sincère. Faute d’armes qui ne se trouvèrent pas, on saisit le Père Ducoudray, le Père Anatole de Bengy et le Père Clerc, qui furent bientôt rejoints au dépôt par le Père Olivaint et le Père Caubert, arrêtés rue de Sèvres.

Ce n’est pas le cas d’employer une expression consacrée et de répéter que les détails de l’effroyable agonie de ces malheureux otages sont dans toutes les mémoires. Il paraît que dans certaines mémoires d’hommes d’État, ces horreurs exercées sur de vieux prêtres n’ont laissé que le désir de tourmenter un peu, par des voies en apparence plus légales, ceux que la Commune a épargnés !

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[i] La Liberté est un journal parisien, fondé en 1865, qui avait été racheté en 1866 par Emile de Girardin qui en fit le premier grand journal du soir.

[ii] Premier Livre des Macchabées, (III, 59). Dans la traduction latine de la Bible, disponible sur le site du Vatican, la phrase est celle-ci : « quoniam melius est nos mori in bello quam respicere mala gentis nostrae et sanctorum. » qui peut se traduire : « Car mieux vaut pour nous mourir les armes à la main que de voir les maux de notre peuple et notre sanctuaire profané. » (Traduction par le Chanoine A. Crampon, Paris, Société de Saint Jean l’Evangéliste, Desclée et Compagnie, 1923.)

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