29/11/2012
Centenaire de l'Ecole Polytechnique (1794-1894)
Voici une biographie du Père Alexis Clerc par Albert de Rochas, qui figure dans le Livre du Centenaire 1794-1894, Tome III (Services civils et carrières diverses), paru en 1897, à Paris, chez Gauthier-Villars et Fils.
La biographie du Père Clerc figure aux pages 451 à 453.
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LE P. CLERC.
(1819-1871).
Clerc (Alexis) est né à Paris le 12 octobre 1819. Il fut reçu bachelier ès lettres à 17 ans et son père, qui était négociant, le fit entrer dans une filature ; mais, cette industrie n'ayant pas prospéré, on ne tarda pas à le mettre dans une école préparatoire pour l'École Polytechnique, où il fut reçu avec le n° 26.
Il en sortit avec le n° 23, le premier des quatre élèves qui avaient demandé la Marine.
J'ai eu l'occasion de causer avec beaucoup de ses camarades de jeunesse ; ils s'accordent à dire que le petit Clerc ainsi qu'on l'appelait dans sa promotion, s'était toujours fait remarquer autant par son amour du plaisir que par l'amabilité de son caractère et la vivacité de son intelligence. Sa grande préoccupation était le canotage à Asnières les jours de sortie.
Est-ce là qu'il puisa son goût pour la Marine? Toujours est-il qu'à peine nommé aspirant de ire classe (ier octobre 1841), il s'embarquait à Brest pour un voyage de quatre ans, pendant lequel il visita successivement, en Amérique, les côtes du Brésil, du Chili et du Pérou ; traversa l'Océanie en tous sens, s'arrêtant aux îles Gambier, aux Marquises, à Tahiti et aux Nouvelles-Hébrides.
Le spectacle des habitants des îles Gambier qui, anthropophages dix ans auparavant, s'étaient complètement transformés sous l'influence des missionnaires catholiques français, frappa le jeune officier, élevé par son père dans des idées voltairiennes.
Quelques froissements dans sa carrière achevèrent de lui faire prendre en dégoût l'existence un peu désordonnée qu'il avait menée jusqu'alors ; il songea à donner sa démission pour entrer dans l'Instruction publique, se remit courageusement à l'étude des Mathématiques et, en trois mois, obtint les diplômes de bachelier ès lettres et de licencié es sciences.
Il ne se décida cependant point encore à quitter la Marine ; il s'embarqua en 1840, sur le Caïman, pour la station du Sénégal ; mais, cette fois, il emportait avec lui toute une bibliothèque d'ouvrages religieux et, pendant le voyage, se lia, d'une façon intime, avec un missionnaire, le P. Briot de la Maillerie, ancien officier de Marine, qui allait évangéliser les nègres sur les côtes de Guinée, et qui acheva sa conversion [1].
Revenu en France en 1847, Clerc poursuivit ses études sur le dogme catholique et prit à tâche de convertir son père par le raisonnement ; de là une série de lettres qui ont été recueillies et publiées par le P. Daniel [2], où la délicatesse de son cœur, la rectitude de son esprit et la profondeur de sa science se montrent dans toute la liberté d'une correspondance intime.
En 1858, il reprit la mer comme Enseigne sur le Cassini commandé par le capitaine de frégate de Plas [3], qui devait faire respecter, en les visitant officiellement, les missions catholiques françaises de l’Extrême-Orient. Pendant cette campagne, Clerc fit parvenir un Rapport remarquable sur « notre position en Chine, en Cochinchine et en Corée, et sur le rôle que nous pouvions y jouer ».
A son retour. Clerc n'hésita plus. Malgré les conseils de temporisation du P. de Ravignan qui était son guide spirituel, malgré l'opposition très vive de son père, il voulut faire à Dieu le sacrifice des honneurs qui allaient récompenser ses services. Il donna sa démission, entra dans la Compagnie de Jésus, fît son noviciat à Saint-Acheul, prononça ses vœux en septembre 1855, et ne tarda pas à être appelé à l’École de Sainte-Geneviève, que les Jésuites venaient de fonder à Paris pour la préparation aux Écoles du Gouvernement.
Pendant la guerre de 1870, il dirigea successivement les ambulances de Cherbourg et de Vaugirard. Revenu à l’École Sainte-Geneviève, il préparait le cours de Mathématiques spéciales dont il allait être chargé, lorsque les bandes de la Commune vinrent l'enlever avec les PP. Ducoudray, Olivaint, Caubert et de Bengy. Le 24 mai 1871, tous étaient fusillés, à la Roquette, avec l'archevêque de Paris et le président Bonjean.
Albert de Rochas.
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[1]En 1846, il écrivait, de la station du Sénégal, à son père :
« Le peu de temps qui échappe au jeu, au sommeil ou au service, je lis J.-B. Say et l’Histoire des variations. C'est un contraste frappant ; l'un ne s'occupe que des biens matériels et ne s'imagine pas qu'il y en ait d'autres, et l'autre n'en a guère souci. Mais il y a des livres qu'il faut connaître ; on doit prendre ce qu'il y a de bon et laisser le reste. Notre métier, d'ailleurs, nous oblige à apprendre dans les livres ce que vous autres, citadins, apprenez malgré vous. Il faut que nous sachions à quoi nous en tenir sur les questions douanes, commerce, industrie, colonies, traité de commerce. Nous pouvons avoir à y intervenir, et il serait alors trop tard pour commencer à les étudier ; et voilà le pétrin où je me suis fourré pour quelque temps. Il est minuit passé, mon quart aussi : je m'en vais prendre Bossuet. Il a le privilège de me tenir compagnie jusqu'au moment du sommeil ....
« Je fais toutes sortes d'efforts pour devenir plus sage et plus religieux ; mais c'est fort difficile, et mon voyage à Paris a contribué à augmenter les obstacles. J'espère que, de ton côté, tu es dans la même voie et je ne doute pas que tu n'y marches plus vile que moi. Je te recommande les Méditations et les Élévations de Bossuet ; ce sont deux excellents livres. »
17:27 Publié dans Biographie | Lien permanent | Commentaires (0)
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