20/02/2021
L’ÉGLISE DU JÉSUS. TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS. (2e partie)
Voir la 1ere partie ici
L’ÉGLISE DU JÉSUS.
translation dans la chapelle des martyrs.
(2e partie)
Ainsi, d’abord il n’a point tenu à nous, que les martyrs ne restassent ensevelis avec tous leurs frères dans les caveaux du Mont-Parnasse. Ils y avaient été déposés par notre fait, et c’est seulement plus tard, sous la pression de l’opinion publique, que nous vint la pensée, puis l’espérance d’obtenir une translation dans notre église de la rue de Sèvres. Les démarches à cet effet trainaient en longueur, quand le P. Gravoueille, recteur du collège de Vaugirard, s’adressant directement à M. Lambrecht, ministre de l’Intérieur, dont il avait élevé les fils, obtint immédiatement, sans autre formalité, toutes les permissions voulues.
On se mit donc à l’œuvre. À Paris où l’on a tout sous la main, dès qu’un plan est arrêté, l’exécution devient facile et rapide. D’abord la chapelle dédiée à nos saints martyrs du Japon parut être la vraie place pour leurs émules de Paris. Une excavation est aussitôt ouverte au milieu, en face de l’autel et creusée à la profondeur légale : on y dispose au fond, dans une maçonnerie artistement travaillée et parfaitement cimentée, pour les cinq cercueils, autant de niches horizontales rangées de front sur le même plan, et séparées les unes des autres par une mince cloison de briques. Il n’y aura plus qu’à faire glisser chaque cercueil dans sa place respective et à sceller l’ouverture.
Le pavé de la chapelle en marbre noir et blanc rappelle le deuil, mais au milieu de cet encadrement funèbre, sur de grandes dalles de marbre blanc, on lit les cinq noms avec leur inscription triomphale. Le P. de Buck, bollandiste de Bruxelles, avait envoyé ces épitaphes qui sentent le style des Catacombes :
DVM SVB ALTARI DEI PONVNTVR
REQVIESCVNT HOC LOCO OSSA
PETRI OLIVAINT PARISII
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
HVIC DOMVI PRAEFECTI
VIXIT ANNOS LV MENSES III DIES IV
PRO PIETATE MORTEM OPPETIIT
VII KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI
HOC LOCO DEPOSITA SVNT
OSSA ET RELIQVIAE
IOANNIS CAVBERT
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
NATUS PARISIIS XIII KAL. AVG. A. D. MDCCCXI
ODIO PIETATIS OCCISUS EST
VII KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI
HIC IACET IN PACE
ALEXIVS CLERC
DOMO PARISIIS
PRESBYTER SOCIETATIS IESV
NATVS ANNOS LI MENSES V DIES XIII
LIBENS FVSO SANGVINE FIDEM SIGNAVIT
IX KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI
LOCVS LEONIS DVCOVDRAY
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
ET RECTORIS SCHOLAE GENOVEFIANAE
NATUS LAVALLII PRID. NON. MAIASA. D. MDCCCXXVII
VITAM SANCTAM SANCTIORE MORTE CORONAVIT
ODIO NOMINIS IMPIE TRVCIDATVS
IX KAL. IVN. A. D. MDCCCLXXI
LOCVS SEPVLTVRAE
ANATOLI DE BENGY
ORTV BITVRIGIS
PRESBYTERI SOCIETATIS IESV
QUI QVAM MORTEM IN MILITVM CVRA
A PATRIAE HOSTIBVS NON METVIT
A RELIGIONIS HOSTIBUS FORTITER ACCEPIT
VII KAL. IVNII A. D. MDCCCLXXI
ANNOS NATVS XLVI MENSES VIII DIES VII.
On put enfin procéder à l’opération dans la matinée du 24 juillet. Le dévoué docteur Colombel, assisté de quelques agents de la police et des pompes funèbres, voulut encore y présider la seconde fois comme la première ; mais au moins l’invention aujourd’hui était plus facile et la translation allait être glorieuse. L’authenticité et l’identité se trouvaient constatées et garanties par une inscription gravée sur chaque cercueil.
On avait voulu toutefois écarter l’encombrement et prévenir toute manifestation. On ferma donc la porte extérieure de l’église donnant sur la rue et tout devait se passer comme à huis-clos. On n’avait admis à l’intérieur avec nos Pères et Frères présents dans la maison, qu’un petit nombre d’intimes et les familles des martyrs. On laissa cependant passer et entrer dans la cour une jeune fille qu’une voiture venait d’amener à l’heure précise et que deux femmes portaient sur leurs bras. Il se produisit alors un phénomène, prélude de plusieurs autres, qui doit avoir sa place à cet endroit de notre récit.
Adélaïde Gain, orpheline, admise à quatorze ans à l’Œuvre de la première communion, dite de l’Enfant-Jésus, à Vaugirard, communia pour la première fois en 1864 de la main du P. Olivaint. Elle passa de cet asile à l’orphelinat des enfants délaissés, rue Notre-Dame des Champs, pour y être élevée jusqu’à vingt-et-un ans. Mais laissons la raconter elle-même sa maladie et sa guérison.
« Je fus prise au mois de janvier 1869 de forts malaises, un mal de genou se déclara, je ne marchais qu’en me traînant, jusqu’au mois de mars suivant où je fus obligée de m’arrêter. Je souffris alors des douleurs aiguës, il se faisait dans le genou un travail affreux ; il devint très-enflé et si douloureux que tout mouvement était impossible ; le contact même de couvertures était intolérable, il fallut un cerceau.
« L’inaction était complète ; on me fit subir toutes sortes de traitements, on y mit le feu jusqu’à cinq fois, les cautères, les vésicatoires, les incisions, rien ne fut épargné. Ma faiblesse augmentait toujours, je souffris de grandes douleurs d’entrailles et des douleurs de côté. On déclara une péritonite (le médecin qui m’a soignée a fait un rapport très-expliqué). L’état général de ma santé devint plus grave : on me levait seulement quelques heures sur un fauteuil, il survint des vomissements de sang, et je fus administrée le 8 juillet 1871.
Cependant depuis le massacre de la rue Haxo, j’avais prié le R. P. Olivaint de me guérir ; j’avais confiance que je serais exaucée parce que j’étais un enfant de sa chère Œuvre de la première communion. Je commençai une neuvaine et une deuxième, puis encore une troisième et jusqu’à cinq. Sans m’en douter, cette cinquième finissait le 24 juillet 1871 ; elle coïncidait avec la translation des corps des RR. Pères du cimetière à l’église du Jésus. On me proposa de m’y conduire en voiture. Quand j’arrivai, la personne qui avait eu la bonté de me porter, m’approcha du cercueil du P. Olivaint sur lequel j’étendis la main avec confiance, et je demandai au bon Père de me guérir ou de me laisser mourir si je ne devais pas être fidèle à Dieu et me sauver. En faisant cette prière j’ai posé la main sur le cercueil. En le touchant j’éprouvai une souffrance horrible ; puis aussitôt après, j’étais mieux et je dis à la personne : « Posez- moi, laissez-moi marcher, je sens que je le puis. » Elle hésitait encore et continuait à me soutenir m’offrant de l’éther, je refusai. Enfin on m’a posée à terre, j’ai fait signe que je pouvais marcher. J’ai traversé le couloir de la porterie, la cour de l’église et suis allée à la chapelle de Notre-Dame des Sept -Douleurs, contre la petite arcade qui donne sur la chapelle des Martyrs Japonais. Là, je me suis mise à genoux par terre, sans appui, sans souffrances. Mais quand le cercueil du P. Olivaint a passé j’ai souffert encore beaucoup. Je me suis relevée alors et je me suis assise. Quand il a été déposé dans la fosse, la douleur était finie. Je me suis remise à genoux et j’ai fait une prière d’action de grâces, sûre d’être guérie, n’en doutant pas et ne souffrant plus rien du tout. Je suis restée à genoux environ vingt minutes, non appuyée. Après, j’ai fait le tour de toute l’église du Jésus, je suis revenue encore jeter de l’eau bénite sur les cinq cercueils des Pères, et de là, nous sommes revenus à pied à la maison, dix minutes de chemin. Je suis revenue à pied, pendant neuf jours, à l’église pour une neuvaine d’action de grâces, restant toute la messe à genoux sur une chaise, sans douleur, sans appui. Depuis ce temps-là je ne souffre plus, toute la maladie a disparu. Plus d’enflure, plus même de trace, les cicatrices ont disparu ; la marque des cautères est seule restée, il y avait quinze jours qu’ils étaient séchés.
« Oui, c’est le R. P. Olivaint qui m’a guérie, je serais une ingrate de ne pas le reconnaître et de ne pas l’affirmer. »
Le fait n’avait pas manqué de témoins. Le médecin lui-même qui avait traité l’enfant, rédigea un long rapport qu’il intitule : Relation médicale d’un cas de guérison obtenue dans des circonstances anormales.
Vers la même époque, nous avions encore obtenu une nouvelle faveur, analogue à la première ; le mobilier des cellules de Mazas, qui pendant deux mois avait servi à nos captifs, nous était cédé par l’administration, à charge seulement pour nous de le remplacer par un autre. Ainsi nous avions les hamacs, et les chaises de paille rivées chacune à une petite table par une grosse chaîne de fer, les bidons de fer-blanc, les gobelets d’étain et les cuillers de bois. C’était le commencement du musée des martyrs. Une chambre en dehors de la clôture religieuse, par conséquent accessible à tout le monde, fut affectée et complétement appropriée à cette collection d’un nouveau genre. Tout ce qu’on y voit parle de captivité et de mort, même ce pavé couleur de sang et ces murs tapissés de rouge, avec les photographies de la Cité-Vincennes et de la Roquette, les portraits et les autographes des cinq martyrs ; on a sous la main tout le mobilier et la vaisselle de Mazas, et devant les yeux, dans une armoire vitrée, ce qu’on a pu recueillir de reliques ; les instruments de pénitence qui préludaient aux instruments du supplice, et la petite boîte mystérieuse posée sur le sachet de soie rouge, et ce vêtement du P. de Bengy devenu un affreux lambeau. Personne, je suppose, ne trouvera de l’excès dans cette religion des souvenirs. Je dirais qu’elle est traditionnelle dans l’Église, si elle n’était pas naturelle dans l’humanité.
Il ne nous reste plus à signaler que ces deux grands faits corrélatifs que nous avons seulement énoncés, les hommages du peuple et le suffrage de Dieu lui-même.
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15/02/2021
Récit de la guérison d'André des Rotours (La Liberté, 4 octobre 1876)
Nous avions déjà reproduit le récit de la guérison du jeune André des Rotours. Voici une nouvelle version du récit par une correspondante du journal La Liberté, de Fribourg, parue dans le numéro 230, du mercredi 4 octobre 1876.
Ce récit est le vingt-septième et dernier épisode d'un feuilleton consacré au Père Olivaint, martyr de la Commune.
LA LIBERTÉ – Sixième année – numéro 230. – mercredi 4 octobre 1876.
27 FEUILLETON de la LIBERTÉ.
LE PÈRE OLIVAINT
martyr de la commune.
De sorte qu’on apportait les malades dans les rues,
et qu’on les mettait sur des lits ou des paillasses,
afin que, lorsque Pierre passerait, son ombre
au moins en couvrit quelques-uns d’eux,
et qu’ils fussent délivrés de leurs maladies.
(Act. des Ap. ch. V, v.5, 15)
—————
S’il est possible d’oublier ces jours horribles, c’est en pensant à tous les bienfaits qui s’obtiennent en si grand nombre sur ces tombes vénérées, et si nous en choisissons un entre tous c’est pour rentrer d’abord dans le récit de cette histoire toute consacrée au P. Olivaint, et rappeler encore une fois sa tendresse pour les enfants et sa bonté pour les mères.
Nous reproduisons la lettre qui nous est communiquée à ce sujet :
« C’est avec une vraie satisfaction que je viens vous donner les détails que vous désirez sur cette guérison miraculeuse et, si touchante, qui s’est opérée le 21 mai dernier, sur mon petit cousin des R. Je ne saurais assez vous dire je suis heureuse d’avoir pu assister à cette guérison, qui a rendu le bonheur a cette famille si tristement éprouvée par une longue et terrible maladie. J’avais vu le pauvre enfant si malade, la situation me semblait si périlleuse, ainsi que l’avait constaté le médecin , M. B., qu ‘il est impossible en le voyant revenir instantanément à la santé de ne pas reconnaître que Dieu seul pouvait faire ce prodige.
» Il y avait plusieurs mois, que cet enfant, âgé de 10 ans, était atteint d’un ramollissement de la moëlle épinière, et depuis deux mois et demi les progrès avaient été si effrayants qu’on pouvait craindre un dénouement fatal el malheureusement prochain. On le portait d’un lit sur un autre avec les plus grandes difficultés, car la jambe gauche était devenue si raide qu’un faux mouvement pouvait la casser et indépendamment de cela, l’enfant souffrait horriblement dès qu’on le remuait... Les accidents les plus inquiétants se succédaient : une cécité complète qui durait quelquefois plusieurs heures, à laquelle succédait une surdité qui durait également un temps plus ou moins long, etc. Les remèdes les plus douloureux avaient été employés ; synapismes, vésicatoires, cautérisations le long de l’épine dorsale. Rien n’avait réussi. Une carmélite , amie de madame des R…, lui conseilla de faire une neuvaine aux cinq Pères jésuites martyrs, et de faire porter l’enfant sur leurs tombaux. Le 4e jour de la neuvaine , il fut beaucoup plus souffrant , et cependant le lendemain il fut conduit à la messe que disait pour lui un abbé, ami de la famille.
» J’étais placée derrière le petit malade et, comme tout le monde, j’avais été péniblement émue en le voyant arriver, porté à bras, complètement à plat et couché sur deux chaises, un coussin sous la jambe malade. Sa pauvre petite figure était pâle et fatiguée, ses yeux éteints, ses joues creuses ; tout indiquait une extrême souffrance qui datait de loin.
Lorsque le prêtre avant l’Introït monta à l’autel, et dit ces paroles : Seigneur, nous vous prions par les mérites des saints, dont les reliques reposent ici, l’enfant tira la mère par sa robe en lui disant : Mère, je suis guéri, je n’ai plus rien : et, en effet, il remuait sa jambe et la pliait sans douleur. Il se mit à genoux à l’élévation, puis au moment de la communion, en croisant instinctivement sa jambe malade sur l’autre.
» Instantanément la pâleur avait disparu, les traits semblaient plus reposés, les yeux rayonnaient. Ce n’était plus le même enfant ! Après la messe, son père le prit par le bras dans la crainte, qu’étant resté si longtemps sans marcher il ne fût pris d’un peu de vertige. Mais cette petite contrainte le gênait, et, lorsqu’il fut arrivé près de la porte, il quitta sou père, traversa en courant la rue et le trottoir et monta dans la voiture comme s’il n’avait jamais été malade, regardant tout le monde d’un air triomphant qui faisait plaisir à voir. Le prêtre qui disait la messe, avait pour servant le frère aîné du petit malade, et le pauvre enfant avait bien de la peine à servir la messe au milieu de cette émotion. Le prêtre lui-même raconta que, pendant la messe, au moment où il manifestait l’intention, pour laquelle elle était dite, il avait éprouvé une émotion, tellement profonde, qu‘il avait pensé que le miracle devait se faire à ce moment même.
» Quand le jeune des R... fut rentré chez lui , il déjeuna avec sa famille, encore sous l’impression de ce grand événement. Puis l’enfant alla dans le jardin, courir, jouer, faire de la gymnastique comme s’il n’avait pas été malade un seul instant. Le lendemain matin, après une excellente nuit, il se levait a sept heures, et prenait ensuite une leçon de latin, la cécité et la surdité étaient donc bien loin. Le docteur B. a donné un certificat attestant que le samedi l’enfant était dans une situation des plus périlleuses, et que, le lundi, il ne restait plus trace de la maladie. Pour tous ceux qui, comme moi, ont vu apporter cet enfant si malade et dans un état si désespéré, et qui l’ont vu repartir plein de vie, de santé et de gaîté, il y a un vrai, un grand miracle accordé par Dieu à la foi si solidement chrétienne de cette bonne et pieuse famille. Une des personnes qui assistait par hasard à la messe où s’est opérée cette guérison, criait hautement au miracle, et je suis, pour mon compte, bien réellement heureuse que Dieu m’ait fait la grâce d’y assister. Je n’oublierai pas la douce et grande impression de ce moment aussi consolant que solennel et imposant.
Nous voudrions dire tout ce que nous savons, tout ce que nous avons vu et obtenu sur cette chère tombe ; mais l’autorité de l’Église semble seule destinée à raconter tout ce qui touche à son dogme et à sa gloire.
L’homme a été créé pour contempler les merveilles de la Divinité, et jusqu’à ce qu’il les voie, il se porte par un mouvement intime à tout ce qui semble en être la manifestation. C’est à la vue de ces prodiges qui frappent nos sens, que l’esprit perçoit le fil mystérieux qui rattache toutes choses à cette main invisible qui pèse sur nous et nous mène. C’est là, précisément une des plus fermes espérances de notre foi, une des plus nobles prérogatives de notre nature.
L’Église a besoin des miracles pour confondre les hérétiques successivement soulevés contre ses dogmes, et pour affermir la foi de ses enfants ; toujours ils ont été nécessaires pour manifester l’éminence de la vertu, pour faire glorifier JÉSUS-CHRIST, convertir les pécheurs, ranimer la piété, nourrir et fortifier l’espérance des biens éternels.
Ne l’oublions pas, la vie et la mort sont sœurs, elles naissent ensemble. Réjouissons-nous de cette vie du ciel ! et répétons avec saint Augustin : « Vivons ici-bas en apprentissage de cette vie mortelle où toute notre occupation sera d’aimer JÉSUS-CHRIST. » C’est lui qui disait aussi : Prier Dieu c’est la seule façon de célébrer toutes choses en ce monde.
Les courts instants d’une vie si bien remplie sont venus expirer au seuil de la bienheureuse ÉTERNITÉ promise aux vaillants combattants de la cause de JÉSUS-CHRIST.
FIN
19:19 Publié dans Commune de 1871, Compagnie de Jésus, Eglise catholique | Lien permanent | Commentaires (0)
14/02/2021
L’ÉGLISE DU JÉSUS. TRANSLATION DANS LA CHAPELLE DES MARTYRS. (1ère partie)
Nous publions le commencement du sixième chapitre des Actes de la captivité et de la mort, des RR PP Jésuites par le Père Armand de Ponlevoy. Ce chapitre ne figure pas dans l'édition originale de 1872 que nous avons consulté et dont nous avons publié le texte également.
Ce chapitre revient sur divers événements consécutifs à la mort des pères, notamment des apparitions et des guérisons.
Nous le donnons en plusieurs partie, mais il sera ensuite publié ici dans son intégralité.
La rédaction
L’ÉGLISE DU JÉSUS.
Translation dans la chapelle des martyrs.
(1ère partie)
Il y a bien loin des horreurs du supplice aux splendeurs du dénouement, et cependant, pour les disciples comme pour le maître, le jour de Pâques est tout près du vendredi saint ; à peine le martyr a-t- il incliné la tête sous le glaive, qu’il la relève ceinte d’une auréole. Déjà il n’est plus question de croix, ni de sépulcre, désormais il n’y a plus que la vie dans l’éternel amour, la félicité dans le ciel et la gloire même sur la terre.
Un incident bien singulier m’initia presque immédiatement à ce nouvel état de choses.
Je venais de rentrer à Paris, aussitôt après la double catastrophe, quand je reçois une lettre d’une personne, qui m’était connue par la fermeté de son caractère et l’excellence de sa vertu. M’écrivant de l’autre bout de la France, elle me demandait avec une anxiété qui me surprit, le moment précis du martyre : « Veuillez, je vous prie, ne pas perdre de vue le prix que j’attache à savoir l’heure exacte ou le sacrifice a été consommé ; j’avais des motifs de croire que c’était entre cinq et six heures, le 26. »
Je n’étais pas en état alors de répondre à la question. Même à Paris, on ne savait pas dire l’heure, à peine le jour du sacrifice. Il y avait mille variantes dans les récits. Enfin, quand je me crois sûr du fait, je réponds et demande à mon tour pourquoi on attache tant d’intérêt à ce détail assez insignifiant. Voici la réponse :
« Le vendredi 26 mai 1871, vers six heures de soir, j’étais en train d’écrire et rien de ce que j’écrivais ne pouvait ramener ma pensée sur Paris ni sur les otages, lorsque tout à coup le R. P. Olivaint m’apparut tout souriant. Son teint, jaune ordinairement, était beaucoup plus animé et plus clair que de coutume ; il avait une expression de joie qui donnait à ses traits une beauté vraiment céleste. J’en fus tellement frappée que mon premier saisissement passé j’eus de la peine à me rappeler la figure du R. P. Olivaint telle que je la connaissais. Aujourd’hui encore j’ai des efforts à faire pour me le représenter tel que je l’avais vu la dernière fois. Les traits sous lesquels il m’a apparu se présentent toujours à mon esprit les premiers, lorsque je pense à lui.
« La conviction que le P. Olivaint montait au ciel ne me quitta plus, je crus l’entendre me dire : « Mon enfant, voyez ma joie et qu’elle vous console. » Elle me consola en effet, car une paix d’une suavité extraordinaire remplit mon cœur, qui jusqu’ici n’avait pu envisager avec résignation la pensée de perdre le P. Olivaint.
« Ce sourire qu’il m’avait jeté comme en passant avait eu sur mon cœur une action si puissante que cette mort avait cessé d’avoir ses rigueurs pour moi.
« Cette apparition était presque pour moi une certitude que le crime était accompli. Je ne l’appris en réalité que le lundi 29 mai. »
Le P. de Bengy ne tarda point à donner lui-même son signe du ciel. N’était-il pas juste qu’il l’adressât à sa mère ? Cette femme vénérable par son âge et bien plus encore par sa vertu, et vraiment digne des grandes époques, quand son frère, M. l’abbé de Champgrand, prêtre de la communauté de Saint-Sulpice, était venu lui annoncer la sanglante nouvelle du 26 mai, s’écria tout à coup : « Mon Dieu ! quel sacrifice ! Mais je suis bien heureuse. Vous voudriez me le rendre, mon Dieu, je n’en voudrais pas. » Et comme elle entendait autour d’elle des gémissements et des sanglots : « Vous n’avez pas l’esprit de foi, disait-elle à ses enfants. Vous devriez remercier Dieu. J’ai fait à Dieu entièrement le sacrifice. Point de rapine, répétait-elle, non, point de rapine dans le sacrifice. »
Cette mère était vraiment debout, appuyée sur la croix de son fils ; mais la nature ne put résister. Sur ces entrefaites, une de ses filles, Mme de Puyvallée, partait de Bourges pour Paris. Mme de Bengy lui remet une lettre à déposer sur la tombe du P. Anatole et recommande qu’on commence aussitôt à Paris une neuvaine de messes, à laquelle s’unira toute la famille, pour que la volonté de Dieu se fasse en elle à la vie et à la mort. Le dernier jour de la neuvaine, elle devait, avec tout son monde, partir pour la campagne. Cependant, comme pour se rendre plus sensible l’assistance de son fils, elle fait suspendre près de son lit une grande photographie du martyr avec une parcelle de son vêtement : « À mon chevet, dit-elle à l’ouvrier, le plus près possible de moi, il m’apprendra à bien mourir. » Et voilà que le neuvième jour, devinant elle-même qu’il est temps, elle sonne, fait appeler son confesseur, demande et reçoit les derniers sacrements, entourée de ses enfants, assistée par les frères de son fils. Mgr de la Tour d’Auvergne, archevêque de Bourges, accourt lui-même pour la bénir une dernière fois, et en entrant dans cette chambre, à la vue de ces deux figures si calmes et si sereines, qui semblent se sourire même dans la mort, il donne aussitôt le vrai mot de la situation : « C’est frappant ! s’écrie- t-il ; le fils appelle sa mère. » Le soir même, elle allait rejoindre son fils.
Après cette initiative du ciel, j’énoncerai seulement un principe. C’est Dieu lui-même, avons-nous dit, qui choisit ses martyrs ; disons-le maintenant après le Roi-Prophète, c’est lui-même aussi qui seul glorifie ses élus. Cette vérité, nous la croyons, parce qu’elle est révélée ; mais nous la voyons et la touchons à cette heure, parce qu’une fois de plus, sous nos yeux, elle s’est réalisée. Non, ici l’homme n’a rien fait ; et que pouvait-il faire ? — Pour produire un courant de vénération publique, de reconnaissance et de confiance, large, profond et permanent, il faut de nécessité celle double force motrice, la voix de Dieu et la voix du peuple. Or, l’esprit souffle où il veut, disait le Seigneur Jésus, et personne ne sait d’où il vient. Bien loin d’avoir provoqué le mouvement, j’affirme que nous avons été menés avant tous les autres.
Le RP Anatole de Bengy
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