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04/11/2014

Le Livret des prêtres

Identifiant : ark:/12148/cb32838064t/date

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l’homme, 8-R-20136

Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32838064t

Provenance : bnf.fr


 

 

Petite revue.jpg

LE LIVRET DES PRÊTRES

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Pour répondre aux attaques de jour en jour plus acharnées des ennemis du prêtre bornons-nous à publier la liste suivante.

Bien qu’elle ne constitue qu’une simple page du livre d’honneur du clergé français, elle a son éloquence, et prouvera que le prêtre, le moment venu, sait faire son devoir héroïquement.

— Le curé de Gunstett, fusillé pour n’avoir pas voulu servir de guide à l’ennemi.

— L’abbé Henri Gros, aumônier militaire du 6ebataillon des mobiles de la Seine, tué, à sa place de bataille, au plateau d’Avron.

— L’abbé Fouqueray, tué parmi les zouaves pontificaux, en gravissant avec eux, sous la mitraille, les pentes du plateau d’Auvours.

— L’abbé Allard, blessé à Buzenval, pendant qu’une canne à la main, il entraînait, au feu les soldats de son bataillon, en leur criant « Allons, mes amis, en avant, et vive la France ! »

— Le curé de Moigny, attaché par les poignets, et traîné par deux uhlans au galop de leurs chevaux, sur la route, pour avoir appelé aux armes une troupe de francs-tireurs et les avoir conduits dans une position favorable au combat.

— L’abbé Cor, curé d’un village des Ardennes, lié à la queue d’un cheval, traîné sur les chemins et abandonné dans un fossé, pour avoir guidé la marche de l’armée française.

— L’abbé Frérot, percé de deux coups de baïonnette pendant qu’il donnait a un soldat mourant les secours de la religion.

— Le curé de Bue, frappé et condamné à être pendu pour avoir refusé d’indiquer à un général prussien la direction prise par l’armée de l’Est.

— Le curé des Horties, venant remplacer, en face du peloton d’exécution, un des six paysans condamnés à être fusillés dans sa paroisse.

— L’abbé Le Goaves, aumônier des mobilisés du Finistère, tué sur le champ de bataille en soignant un blessé.

— L’abbé Miroy, fusillé prés de Reims, par les Prussiens, pour avoir commis « le crime de trahison envers les troupes de Sa Majesté prussienne. »

— L’abbé Valter, fusillé pour le même crime.

— L’abbé Wurtz, fusillé pour le même crime.

— L’abbé Ravaud, fusillé pour le même crime.

— L’abbé liées, fusillé pour le même crime.

— L’abbé Michel, vicaire de Bois Colombes, frappé à Buzenval d’une balle en pleine poitrine, et laissé pour mort sur le champ de bataille. Décoré de la Légion d’honneur.

— L’abbé Blanc, près de Vitry-sur-Seine, électrisant par ses paroles un bataillon de mobiles de l’Indre, qui, après avoir reçu sa bénédiction à genoux, prit à la baïonnette la Maison-Blanche ; blessé mortellement, l’abbé Blanc crie a ses moblots :« Ne faites pas attention, mes enfants ; en avant pour In Patrie ! »

— Le P. Mercier, dominicain, frappé de quatre coups de feu Ôû combat de Villers-Bretonneux, et décoré pour son courage, sur, la proposition du général Faidherbe.

— Le P. Jouin, Dominicain, décoré pour sa bravoure pendant la campagne de l’armée du Nord.

— Le P. Chavagne, Mariste, aumônier des mobiles du Puy-de-Dôme, décoré pour action d’éclat.

— Le P. Briant, Oblat, félicité devant les troupes pour avoir sauvé, au combat de Fréteval, une partie de son bataillon.

— Le P. de Damas, Jésuite, blessé à Belfort en assistant les soldats aux avants-postes.

— Le P. Vauttier, Jésuite, accompagnant une batterie pendantla bataille de Pont-Noyelles, animant et retenant par ses exhortations les artilleurs prêts à quitter la position.

— Le P. de Rochemonteix, Jésuite, frappé d’un coup de sabre et fait prisonnier sous Orléans, pendant qu’il ramassait un blessé, puis s’évadant et allant mourir au Mans parmi les soldats varioleux qu’il y soigna.

— Le P. Alexis Clerc, Jésuite, ancien lieutenant de vaisseau, courant parmi les tirailleurs recueillir les blessés dans les combats de Champigny et de Bagneux.

— Le P. Noury, Jésuite, traversant les lignes prussiennes pour aller renseigner la délégation de Tours sur les positions occupées par l’ennemi autour de Versailles.

— Le P. Taugny, Jésuite, ramenant au feu une compagnie de mobiles qui se débandaient et enlevant avec eux un poste prussien ; blessé deux fois en vingt jours ; mort des souffrances endurées pendant la guerre, etc., etc.

 

Tous ces traits d’héroïsme patriotique et chrétien, n’ont trait qu’à la guerre de 1870. Ils ne forment pour ainsi dire qu’un bien faible alinéa au livre d’or du clergé catholique. 

25/03/2014

Fac-similé d'un billet authentique

Après la première nuit passée dans sa nouvelle prison, le P. Clerc annonça à son frère son changement de domicile par un billet d’un laconisme significatif, écrit sous les yeux des guichetiers et des agents de la Commune:

A Clerc_Lettre a son frere (21 mai 1871).jpg

 

 

« Mon cher Jules,

« Hier, lundi 22, nous avons été déménagés et nous sommes actuellement à la Roquette, probablement pour plus de sûreté.

« J’ai vu cette nuit la lune et les étoiles, et je t’écris sur le rebord de ma fenêtre, sous le ciel bleu ; eu reste, ni table, ni chaise. La vie de l’homme peut être très-simplifiée.

« Nous ignorons nos nouvelles conditions d’existence ; elles paraissent ne pas nous faire un isolement aussi complet qu’à Mazas.

 

« 4e section, n° 6. Grande Roquette. »

RP Charles Daniel (1818-1893)

Nous publions ici, à titre de document, la notice nécrologique du R.P. Charles Daniel, parue dans Études religieuses, historiques et littéraires, des Pères de la Compagnie de Jésus, XXXe année, Tome LVIII, Paris Janvier-Avril 1893 (1).

Comme indiqué ci-dessous, le Père Charles Daniel fut le biographe du Père Alexis Clerc et fit paraître, en 1875, Alexis Clerc, Marin, Jésuite et Otage de la Commune, fusillé à la Roquette, le 24 mai 1871 – Simple biographie. [voir sur ce site]

 

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NÉCROLOGIE

LE PÈRE CHARLES DANIEL

 

Le P. Charles Daniel, fondateur des Études, vient de mourir à Paris, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, âgé de soixante-quinze ans.

Né à Beauvais le 31 décembre 1818, il suivit avec succès les cours de droit, et, reçu docteur, entra en 1841 dans la Compagnie de Jésus. On l’appliqua d’abord à la formation littéraire des jeunes religieux de l’Ordre fonctions importantes qui étendirent ses connaissances, mûrirent son talent d’écrivain, et le préparèrent ainsi à l’œuvre principale de sa vie. En 1856, paraissaient pour la première fois les Études de théologie de philosophie et d’histoire, publiées par les PP. Charles Daniel et Jean Gagarin, de la Compagnie de Jésus, avec la collaboration de plusieurs autres Pères de la même Compagnie.

Les deux auteurs qui avaient pris l’initiative de cette publication, disaient en tête de la préface :

« Le volume que nous présentons au public n’est qu’un essai. Si notre dessein réussit, d’autres suivront à des intervalles plus ou moins rapprochés, et peu à peu notre recueil embrassera l’ensemble des connaissances qui peuvent utilement occuper un prêtre. »

De fait, les volumes suivirent régulièrement, les intervalles se rapprochèrent, et, succédant au recueil, une revue mensuelle étendit bientôt le champ de ses travaux « à tout ce qui est vrai, beau, honnête ».

Malheureusement, si l’œuvre a vécu, les ouvriers du premier jour ont presque tous disparu. Le volume de 1856 portait les signatures de six collaborateurs aux PP. Hélot, Gagarin, Godfroy, Tailhan, Daniel, un seul survit maintenant, le P. Jean Martinov, que nos lecteurs retrouvaient naguère encore fidèle, après trente-six ans, à la revue où il fit ses premières armes.

Le P. Daniel, qui avait conçu et créé les Études, en resta pendant longtemps le directeur et l’un des principaux rédacteurs. Autant et plus peut-être que personne, il contribua à surmonter les premières difficultés, et à préparer par d’heureux débuts des succès toujours croissants. D’une intelligence ouverte à tout, d’une érudition vaste et précise, d’un goût sûr et délicat, il sut mettre dans tout ce qu’il écrivit sur les sujets les plus divers un fond solide et une forme attrayante, d’une pureté classique et d’une fraîcheur toute moderne. Indépendamment de très nombreux articles de théologie, de philosophie, de littérature, d’histoire, qu’il a fait paraître dans les Études, il laisse plusieurs ouvrages d’un mérite et d’un intérêt durables.

Voici les principaux :

Des études classiques dans la société chrétienne (1853).

Histoire de la bienheureuse Marguerite-Marie, et des origines de la dévotion au Cœur de Jésus (1865).

Le Mariage chrétien et le Code Napoléon (1870).

Vie du P. Alexis Clerc, l’un des martyrs de la Commune (1876).

Les Jésuites instituteurs de la jeunesse française au dix-septième et au dix-huitième siècle (1880).

Peu de temps après cette dernière publication, la carrière littéraire de l’auteur s’arrêta. Dieu le faisait entrer dans celle du sacrifice, et il la lui choisissait telle par son âpreté et son effrayante solitude qu’elle put le conduire vite au détachement le plus absolu des créatures et à l’amour le plus pur du Créateur. Le P. Daniel était l’homme des relations aimables, des conversations enjouées et instructives; il fut réduit, par une surdité bientôt complète et rebelle à tous les secours artificiels, à ne plus entendre la voix humaine et à ne converser qu’à l’aide de l’écriture. De plus, affligé d’une cécité presque totale, il dut aussi déposer sa plume et se séparer des livres, ses vieux amis. Ses dernières années s’écoulèrent ainsi dans le silence et dans la nuit, alors que ses facultés intellectuelles avaient conservé toute leur vigueur. Il put dire cependant qu’il n’avait pas éprouvé un moment d’ennui ! C’est que, dans cette société de soi-même, dans ces entretiens avec ses pensées, ses connaissances acquises, ses souvenirs, il trouvait de quoi remplir la longueur des jours et des années ; c’est surtout que son âme de religieux puisait dans la prière et dans l’abandon au bon plaisir de Dieu, assez de force pour supporter cet ensevelissement prématuré, et assez de joie intime pour chasser la tristesse qui au dehors l’environnait de toute part.

Au soir du 31 décembre, il rappela avec bonne humeur au frère qui le servait, que c’était l’anniversaire de sa naissance; puis il se mit au lit à l’heure accoutumée. Le lendemain matin, au réveil de la communauté, ce même frère le trouva inanimé et déjà presque glacé, mais dans l’attitude naturelle et avec les traits calmes d’un homme qui a passé, sans s’en apercevoir, du sommeil à la mort.

Mort soudaine, mais prévue. Moins d’une semaine auparavant, il avait dit qu’il s’attendait à partir prochainement, et il s’était préparé comme si le médecin lui avait compté ses heures.

Tous les rédacteurs actuels des Études se sont fait un devoir de lui témoigner à l’autel, par un tribut spécial de suffrages, leurs regrets et leur reconnaissance. Ils invitent les lecteurs de sa revue à lui accorder, eux aussi, un souvenir et une prière.

r. de s.

 

 

(1) Disponible sur Gallica : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34415014q